Deuxième pièce en deux jours à la Comédie Française. Deux pièces diamétralement opposées. Tragédie grecque classique hier, drame familial vibrant aujourd'hui. C'est la première fois que ce texte est joué à la Comédie Française. Il entre dans le répertoire du Français treize ans après la mort de Jean-Luc Lagarce, artiste maudit de son vivant qui mourut du Sida en 1995. C'est pour moi une véritable découverte. Un texte tranchant, violent, plein de répétitions, d'hésitations. Un texte qui se joue du sens précis des mots, qui s'attache à la concordance des temps, à la précision des termes qu'offre la langue française. Juste la fin du monde. Un texte vrai, juste dans sa manière de dire les choses. Un texte qui transporte, qui convie le spectateur à la réflexion sur la vie, la mort, la famille, le passé et la manière d'appréhender son passé. C'est un texte qui m'a touché, qui m'a fait vibré, qui m'a fait pleuré. Une galerie de personnages que l'on sent troublés, perturbés, perdus, possédés par un passé qui ne veut pas les lâcher. Les acteurs sont brillants, Laurent Stocker en tête. Il n'a pas volé son César du meilleur espoir masculin. L'attaque qu'il porte à son frère dans les dernières minutes, l'estocade finale le transcende littéralement. Toute la violence contenue depuis des années explose enfin. C'est un texte puissant car universel. Il s'attaque aux non-dits et à l'absence de communication dans les familles, le tout avec une efficacité assez épatante. C'est un texte intime, dramatique dans sa manière d'appréhender les rapports humains mais parfois drôle comme la reprise de Salvador par Elsa Lepoivre, un grand moment de théâtre.
Dommage que les décors et les costumes soient d'un kitsch indignes de la Comédie Française. Un décor plus intelligent aurait permis de rendre certains passages plus forts, plus percutants.