27 avril 2008

The Fisher King

Freddy Tiffou

Les parisiens méprisent la vie en province. Ils jalousent la vie simple et bucolique qu'on y mène. Ils ne soupçonnent même pas l'existence d'activités humaines fédératrices comme la pêche. Ils ne connaissent même pas la spécificité des différents types de pêches. Ils ne savent pas que l'on peut pêcher à à la mouche, au toc, à la cuillère, au vairon ou avec de multiples autres appâts. Ils ignorent les dizaines d'espèces différentes que l'ont peut pêcher dans un étang. Ils ne pensent pas que l'on peut voir des brèmes, des gardons, des carpes, des brochets, des tanches ou encore des perches dans les étendues d'eau qui s'étalent autour de Reims. Ils connaissent vraisemblablement des dizaines d'expression mêlant ces poissons (muet comme une carpe, gaulé comme une ablette, frais comme un gardon...) mais ne savent même pas à quoi ressemblent ces bêtes. Ils n'imaginent même pas que l'on peut louer des étangs et que l'on peut ensuite les sous-louer pour gagner un petit pécule. Ils ne peuvent pas concevoir l'énorme business que représente la pêche dans les villes provinciales : cannes à pêches, leurres, appâts, lignes, merguez, chips, bières. Les parisiens ont du mal à accepter les sommes mirobolantes englouties par la pratique de la pêche. Ils ne peuvent comprendre le plaisir que certains pêcheurs prennent à abandonner femmes, enfants, colocataires pendant plusieurs jours et plusieurs nuits d'affilée pour nourrir leur passion de la pêche, et cela qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il tonne. Ils n'imaginent pas un seul instant qu'un carpiste (un pêcheur de carpe pour les non-initiés) alignent quatre ou cinq lignes munies d'un bipeur devant lui et attend ensuite nonchalamment que la carpe daigne tomber dans le piège qui lui est destiné. Ils ne réalisent pas que les carpistes utilisent parfois des catamarans télécommandés pour faire des repérages dans les étangs. Jamais ils ne pourraient deviner que pendant qu'il attend stoïquement, le carpiste regarde des DVD de pêche à la carpe sur un lecteur branché sur batterie. Ils ne peuvent pas anticiper la rapidité du carpiste à s'élancer vers ses lignes lorsqu'il entend un bip – même lorsque ce bip est émis par le fameux DVD. Ils n'imaginent pas qu'une carpe peut peser plus de seize kilos et que les carpistes ne vivent que pour battre leur propre record et se prendre en photo avec leurs prises. Ils ne comprennent sûrement pas l'intérêt de passer plusieurs heures à pêcher pour remettre ensuite le poisson à l'eau. Les parisiens ne peuvent concevoir ce petit monde parallèle, bucoliquement charmant dans lequel chacun partage ses saucisses, sa moutarde, sa baguette, ses chips, ses bières, son charbon, son barbecue. Ils ont perdu l'habitude de faire pipi dans la nature, contre un arbre, dos au vent. Ils ont oublié qu'il fallait vivre au plus près de la nature, faire attention à ne pas perturber l'écosystème, à respecter l'environnement - tout en se déplaçant en 4x4 évidemment. Ils ne voient pas l'intérêt de passer plusieurs heures debout en plein soleil à essayer en vain d'accrocher une pauvre petite bête innocente. Ils ne se représentent pas la douleur dorsale que peut causer un lancé un peu brusque. Ils ne savent sûrement pas comment fonctionne le moulinet d'une canne à pêche, ni même comment on monte correctement une canne à pêche. Ils sont parfois un peu abasourdis du regard en biais lancé par les pêcheurs lorsqu'ils sortent leur livre de leur sac. Ils ont du mal à accepter les rires qui fusent lors de l'étalage de la crème solaire avant de jubiler quand les pêcheurs souffrent de coups de soleil. Les parisiens ne comprennent pas comment on peut être jeune et aimer la pêche. Les parisiens ne comprennent pas qu'on puisse prendre du plaisir à perdre son temps autour d'un plan d'eau. Mais c'est vraisemblablement parce que les parisiens n'aiment pas trop la campagne, sauf dans le TGV elle va plus vite.

Je suis parisien et je me suis lassé de la pêche après trois ou quatre lancés.
(en même temps, je n'y allais pas pour pêcher...)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Les Parisiens ont peut-être beaucoup médité Hésiode qui disait notamment ceci : "Quand tu veux uriner, ne reste pas debout, tourné contre le soleil" (Les Travaux et les jours). Il disait encore ceci : "N'urine jamais à l'embouchure des rivières ni à leur source"... Je te trouve très Grec en ce moment, plus authentiquent Grec d'ailleurs que Parisien, à moins, détrompe-moi, que tu te sois comporté en véritable parisien, délaissant les joies de la pêche au profit de tes lectures bernhardiennes, les seules qui valent!...

Amandine a dit…

Quel cliché.... plein de "non parisiens" n'y connaissent rien à la pêche.

Anonyme a dit…

Je suis pas Parisien! Je suis pas interresser par la peche.

Antoine a dit…

En même temps, ce n'est pas vraiment incompatible avec ce que j'ai écrit... La preuve, j'ai vécu 18 ans à Reims sans n'avoir jamais été à la pêche - ce qui n'est pas le cas de Victor n'est-ce pas ?^^

Amandine a dit…

Oui enfin dès le début on a droit à un gros cliché : la vie simple et bucolique de la province. Enfin c'est le mot province qui me gène : comme si la province était une immense campagne. Pour moi la province est un mot trop réducteur, on ne peut pas résumer la province, car elle y englobe non seulement la campagne mais aussi des villes, où on y respire autant qu'à Paris les pots d'échappement.

Petit Apollon a dit…

Je connais strictement rien à la pêche ^^ !