23 avril 2008

King

Pièce maladroite mais pertinente jouée pendant quelques jours à la comédie de Reims qui essaye tant bien que mal de réconcilier l'entrepreneuriat et l'utopie communiste. Il s'agit de King de Michel Vinaver, mise en scène par Arnaud Meunier. Bien joué, la pièce souffre quand même d'une absence totale de rythme et d'une mise en scène pas forcément très originale. Le texte de la pièce peut être divisé en deux parties qui se croisent et s'entrecroisent pour ne former plus qu'un : le destin (vrai) d'un homme atypique, King C. Gillette.D'une part, nous assistons à la montée en puissance de l'inventeur du rasoir jetable et, par ailleurs, nous voyons l'élaboration presque utopique d'un projet de ville égalitaire et socialement juste. La première partie est classique : idée géniale, difficultés d'entreprendre, problèmes de conception, recherche de capitaux, association puis clash habituel entre inventeur et financier, le second finissant toujours par racheter les parts du premier afin de diriger l'entreprise dans un soucis de rentabilité toujours plus grand. L'originalité de la pièce réside donc dans la seconde partie. Effectivement, ce King Gillette écrit trois livres théoriques que l'on pourrait aisément qualifier d'utopique. Ainsi, en 1894, il publie "The Human Drift" (La dérive humaine), un livre dans lequel il dénonce la concurrence économique et la compétition, sources, selon lui, de tous nos maux. Il prône l'avènement d'une entreprise universelle dont le peuple serait l'actionnaire. Il rêve d'un monde sans argent et sans concurrence et explique même comment s'y prendre pour le mettre en place (une entreprise qui au fur et à mesure de rachats et d'acquisition finirait par diriger l'économie mondiale ). Je dois bien reconnaitre que son raisonnement ne manque pas d'intérêt, voire peut même être considéré comme carrément crédible. Evidemment, il faut toujours se méfier des capitalistes utopistes mais j'ai trouvé son argumentation suffisamment intéressante pour me pencher un peu plus sur ces écrits. Il développe ainsi l'idée que l'on n'aura plus besoin de travailler pour satisfaire à nos besoins grâce à la concentration des moyens techniques et du capital, sauf de 25 ans à 30 ans où nous serions obligés de servir la société, puis deux autres années vers 40 ans pour servir dans les administrations. Par ailleurs, il prône un système de récompenses et de médailles pour encourager les arts et les sciences. Enfin, il s'intéresse à des questions plus environnementales et architecturales mais elles me paraissent un peu moins enthousiasmantes...Pièce politique et biographique qui doit beaucoup à son sujet plein de contradictions...