09 mai 2008

Exercice à l'usage des usagers

Victor Skersis

Vous vous sentez stressé ? Vous craignez d'être devenue une horloge marchante ? Plus que jamais la maxime « métro – boulot - dodo » est devenue une réalité ? Rassurez-vous, vous n'êtes pas seul. Besoin d'une preuve ? D'un peu de réconfort face à votre quotidien minable ? Envie de vous rendre compte par vous-même que ce que je dis est vrai ? Que vous n'êtes qu'un robot, une saloperie de robot qui rampe devant le pouvoir de l'argent et les normes du monde du travail ? Que vous n'êtes qu'un pantin manipulé par des milliardaires qui se la coule douce sur des îles paradisiaques aux quatre coins du monde ? Que vous n'êtes qu'une marionnette, un pion sur le grand échiquier du capitalisme globalisé ? Que vous n'êtes pas un cas isolé, que c'est la société dans son ensemble qui est viciée de l'intérieur ? Rien de plus simple. Rien de plus facile. Dans mon infinie bonté, je vous livre donc un petit exercice à faire dans le RER (sur n'importe quelle ligne, à n'importe quelle station comportant plus de deux voies – un repérage est envisageable, une bonne connaissance du lieu est préférable) qui vous mettra du baume au coeur de bon matin. Effectivement, pour une réussite totale de l'exercice, il est préférable de jouer un matin, en semaine, à l'heure de pointe dans un RER nécessairement bondé. Cela étant dit, rien ne vous empêche de vous entraîner dans des conditions moins optimales, à vos risques et périls. Dans un premier temps, vous devez rester près de la porte vers laquelle vous descendez habituellement du train. Pour une meilleure crédibilité, il est possible de laisser sa main posée sur le mécanisme d'ouverture. Ne pas hésiter à appuyer régulièrement sur le bouton afin de faire comprendre aux personnes qui vous entourent que vous êtes stressé et pressé, que le grand Capital vous oppresse mais que vous aimez ça. Ne pas oublier de jeter un regard inquisiteur vers les autres passagers afin de déterminer globalement à qui vous avez à faire : smicards exploités par la grande distribution ou cadres employés par une banque ou une compagnie d'assurance ? Vous vous doutez bien que l'exercice est encore plus amusant dans le RER A à l'approche de La Défense que dans le RER B à Aulnay-sous-Bois, son caractère engagé tenant davantage à la couleur politique de ses participants qu'à une quelconque portée métaphysique. Si vous sentez que la populasse qui vous entoure n'est pas suffisamment léthargique, il est possible de repousser la suite de l'exercice à une date ultérieure. Mais, croyez-moi, avec un minimum de charisme, le risque de passer pour un débile est excessivement faible. Et il ne faut pas sous-estimer le rôle crucial du danger dans la jouissance finale. Mais remettons nous dans le contexte : vous êtes appuyé contre la porte, la main posée fermement sur le bouton, vous le pressez d'ailleurs à intervalle régulier afin d'améliorer la vraisemblance de votre entreprise. Derrière vous, une horde de travailleurs opprimés craignant pour leur emploi, menacés d'être remplacé à la moindre absence, au moindre retard. Chaque instant de leur trajet est chronométré. Chaque minute gagnée à la sortie ou à un changement est autant de temps qu'ils pourront consacrer à capitaliser leurs points de retraite. Vous sentez le train ralentir. Dans quelques secondes, il sera à quai. C'est alors que vous vous retournez négligemment et faites mime de vous diriger vers la porte opposée. Succès assuré. Dans un même élan, chorégraphié comme un clip des Village People, les usagers des transports en commun suivent votre mouvement. C'est à cet instant que le RER sort du tunnel et qu'ils remarquent avec stupeur que vous les avez bernés. Avec le sérieux idoine à la situation, vous appuyez sur le bouton et descendez du train, rassuré sur votre état mental, soulagé de ne pas être la seule horloge marchante vivant en région parisienne, ravi d'imaginer les autres passagers fulminant de s'être laissés piéger, de se retrouver face à leur propre déliquescence.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai bien ri et j'essaierai !

Anonyme a dit…

T'aurais pas oublié de citer tes sources par hasard?...

Antoine a dit…

J'attendais que tu me fasses signe...

Je remercie donc Damien pour l'anecdote qui m'a bien fait rire et qui je l'espère vous a amusé aussi ! ;)

Anonyme a dit…

c facile de dire ça après, avoues que tu souhaitais tirer les profits de cette anectode ! Enfin, si tu as essayé par toi même je te tire mon chapeau.

PS1:désolé pour l'attente du signe mais je suis peu sur internet et donc peu sur ton blog à mon grand regret

PS2: je m'entraine de temps en temps au scrabble dans l'espoir de pouvoir te défier un jour (j'ai attends 420 points pour l'instant et avec mel on a réussi à placer le mot compte x9)...ce "PS2" est inintéressant, je le concède, mais je ne vais pas envoyer un texto pour dire ça...

Antoine a dit…

Héhé... Promis, on se programme bientôt une "battle" scrabble... Je ne suis pas tout le temps infaillible... hihihi