01 mai 2008

Pour en finir avec le spectre de Mai 68

La France commémore massivement Mai 68 à grand renfort d'ouvrages, témoignages, reportages mais la France commémore une partie seulement de Mai 68. La France commémore les révoltes estudiantines, l'émancipation des femmes, la libération des moeurs, la contestation de l'autorité, la naissance d'une culture de masse. La France oublie les accords de Grenelle, les millions d'ouvriers en grève, les progrès sociaux arrachés à la bourgeoisie réactionnaire au terme d'un bras de fer historique. La France se souvient des étudiants naïfs de Nanterre qui voulait avoir accès aux chambres des étudiantes mais méprise les ouvriers de chez Renault qui bloquèrent la production deux mois durant. Ces hommes en bleu de travail doivent vraisemblablement être moins séduisants et attachants que les gentils étudiants gauchistes un brin anarchistes aux revendications un peu désuètes. C'est pourquoi le message de ces derniers -plus consensuel et moins politique - passe plus facilement à la une des journaux télévisés et des magazines nationaux, ces derniers étant de surcroît souvent dirigés par les anciens leaders du mouvement estudiantin. On assiste, impuissants, au lent basculement d'un mouvement fortement politique vers un mouvement vaguement culturel, comme si l'on avait vidé Mai 68 de sa substance, de son essence.

Mai 68 est la conséquence d'une époque profondément réactionnaire, d'une réflexion révolutionnaire totale qui s'épanouissait dans les milieux artistiques comme le surréalisme, de l'émergence de la consommation de masse et surtout de la montée du chômage. A son firmament, l'esprit de l'aventure était de libérer les peuples et trouver un juste marché. L'échec des propositions révolutionnaires issues du mouvement n'aura réussi qu'à libérer les moeurs et imposer le libre-échange. Finalement, avec le recul que nous offre cet anniversaire, nous pouvons affirmer que Mai 68 n'est qu'une tentative de révolution avortée. C'est un mouvement qui n'a eu pour conséquence que faire ressortir le côté le plus vil et le plus méprisable de la France - les manifestations « gaullistes » sur les Champs-Elysées et le raz de marée de la droite aux élections législatives - avant d'être absorbé dans des dérives hédonistes et libérales. Cet événement ne peut pas et ne doit pas être transposé dans la société contemporaine même si l'on peut profiter de cet anniversaire pour pointer du doigt les problèmes actuels qui légitimeraient une action aux aboutissants davantage marqués politiquement.

Effectivement, le plus angoissant et le plus horripilant dans ces commémorations c'est qu'elles cherchent à enterrer le souffle de Mai 68. La plupart des publications réalisées pour cette foire commémorative tentent de clore une fois pour toute cette page révolutionnaire en niant complètement le sentiment de révolte qui exalte la jeunesse d'aujourd'hui. Ainsi, cette célébration cherche à enterrer un idéal essentiel de Mai 68, celui de « l'imagination au pouvoir ». Pourtant, c'est certainement celui qui a le plus d'échos dans notre société moderne. Face aux problèmes fondamentaux complexes (démographie, écologie, énergie...) et à l'urgence de l'époque, nous sommes en droit de réagir. La nostalgie n'a pas lieu d'être en politique. C'est pourquoi il en faut en finir avec le spectre de Mai 68. Aujourd'hui, chaque mouvement social est instantanément réduit à une sorte de sous-mai-soixante-huit, une comparaison qui lui ôte toute légitimité. Cette comparaison opérée de manière fallacieuse par les journalistes est l'une des premières raisons qui poussent à mythifier et mystifier l'épopée soixante-huitarde. Or, les manifestations étudiantes d'aujourd'hui ne se font pas contre les professeurs ou l'autorité paternelle; elles sont pour l'obtention d'un travail et la sécurité de l'emploi.

Par conséquent, il nous faut soutenir toute forme de révolte salariée et estudiantine qui viendrait à émerger dans les semaines à venir. Il nous faut encourager un bouillonnement d'idées et d'utopies révolutionnaires qui conduiraient à développer de nouveaux modes de vie empreint d'humanisme et d'écologie. Il nous faut souhaiter une révolution écologique et sociale qui améliorerait concrètement la distribution des richesses à l'échelle de notre pays mais aussi à l'échelle de la planète... car nous devons apporter une réponse politique globale à une mondialisation politique et culturelle.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Même les patrons fêtent Mai 68...

http://gillesmartin.blogs.com/zone_franche/2008/05/le-garon-coiffe.html