J'avais presque oublié l'incommensurable plaisir de la première séance du matin, la séance de neuf heures du UGC des Halles. Depuis que je vis dans Paris intra-muros, je n'avais plus éprouvé le besoin de me lever à l'aube pour assister à cette séance mythique pour n'importe quel cinéphage. Il paraît que la plupart des producteurs peuvent pronostiquer le succès ou l'échec d'un film au box-office rien qu'en étudiant les chiffres de la première séance du mercredi matin du UGC des Halles. Deux jours de suite, j'ai retrouvé le plaisir d'antan de la première séance. Les paupières lourdes, les yeux gonflés par le manque de sommeil, la démarche peu assurée, je me suis souvenu, en m'asseyant pesamment dans les profonds fauteuils bleu marine des salles presque vides du UGC des Halles, avec quelle assiduité je fréquentais ce cinéma il y a quelques années.
Lorsque j'étais plus jeune, lors de mes premières années en région parisienne, j'allais très souvent à cette séance. Le réveil sonnait à sept heures du matin. Toujours branché sur France Inter. Je me levais à sept heures et demi, prenais le bus 613 à huit heures précises puis le RER B à huit heures et demi et j'arrivais généralement un peu avant ou un peu après neuf heures, ne sachant pas encore pour quel film j'allais opter. Sans internet, impossible de prévoir à l'avance l'heure exacte de la séance, ni les films disponibles. Mais il me fallait ma dose hebdomadaires d'images en mouvement et, pour rien au monde, je n'aurais raté ce rendez-vous avec ma nouvelle addiction. Je dormais 24 images/seconde, je mangeais 24 images/seconde, je vivais 24 images/seconde, je vibrais 24 images/seconde. C'est aussi pour ça que j'ai vu beaucoup de films ineptes lors de mes deux premières années « UGC illimité » malgré les rires que je devais parfois subir des ouvreurs avec qui j'avais fini par sympathiser. Avant que ces derniers ne soient remplacés par d'horribles machines automatiques, j'avais un contact régulier avec certains d'entre eux - dont un en particulier qui n'a pas hésité à me dragouiller pendant près de dix-huit mois...^^ - qui me conseillaient tel ou tel film, me demandaient mon avis à la sortie lorsque je repassais devant eux pour prendre un nouveau ticket. Effectivement, je faisais en sorte de pouvoir enchainer avec un deuxième film à la séance de onze heures avant de reprendre le RER A pour aller à la fac ou le RER B pour rentrer chez moi. Parfois, lorsque j'avais davantage de temps devant moi, il m'arrivait même d'enchainer avec un troisième film à treize heures. Quand je pense à l'heure de transport que je devais supporter avant d'atteindre l'extase de la séance du matin, je me demande comment j'ai pu vivre si longtemps en banlieue et surtout comment j'ai pu voir autant de films en deux ans.
Quand j'ai emménagé à Paris, dans le XIIIème arrondissement, mon biorythme a évolué, mes conditions de vie aussi. A l'époque, UGC et Mk2 n'étaient pas encore alliés (et n'attaquaient pas en justice les petits cinémas municipaux) et, par conséquent, le cinéma le plus proche de chez moi acceptant ma carte idolâtrée était l'UGC Bercy et sa séance de dix heures du matin. Autant de temps de sommeil gagné. Et puis une autre révolution m'attendait. A Bercy, les ouvreurs avaient déjà été remplacés par des machines. Plus d'attente, plus de contact, plus d'humanité, la séance du matin était devenu un plaisir solitaire, le prolongement d'une nuit passée seul au milieu de mes six oreillers. Cette première séance me permettait de repousser jusque midi le moment de me frotter au monde qui m'entourait. Habitant à une petite quinzaine de minutes du cinéma, je partais généralement à la seconde même où les bandes-annonces et les pages publicitaires commençaient à être projetées dans la salle. Et, j'arrivais à la seconde même où la lumière s'éteignait et que le film commençait, une trentaine de minutes seulement après avoir émergé d'une douce et longue nuit. Cette séance me permettait de me structurer, de me forcer à me lever le matin au lieu de trainer au lit. Avez-vous déjà remarqué qu'il était beaucoup plus facile de se lever pour aller au cinéma plutôt que pour travailler des matières qui vous emmerdent profondément ? Malheureusement, cette année, aucun cinéma ne proposait de séances du matin à proximité de chez moi. Seul le UGC Opéra offrait une séance un peu avant onze heure. Mais sa programmation était tellement lamentable que je n'y ai quasiment pas mis les pieds de l'année, préférant de loin le Cinéma des Cinéastes ou les Mk2 Quai de Seine/Quai de Loire - que je ne parviens toujours pas à différencier. Aucun cinéma susceptible de m'offrir le plaisir intense de la première séance du matin, plaisir comparable à celui de la première gorgée de bière de Philippe Delerm. Aucun cinéma susceptible de me sortir du lit à une heure encore décente.
Cela étant dit, d'une manière générale, je ne peux m'empêcher de penser que le cinéma est certes devenu une drogue au fil du temps mais qu'il m'est également bénéfique car il m'impose des horaires, fixe un cadre à ma semaine. Dès le mardi soir, je me rue sur Allociné pour planifier, organiser le déroulement de mes activités. Les films choisis sont autant d'éléments conçus pour m'empêcher de me laisser aller. Parce que le naturel revient au galop et que je ne veux pas devenir un minable scotché à mon écran d'ordinateur comme toi qui me lit.
Lorsque j'étais plus jeune, lors de mes premières années en région parisienne, j'allais très souvent à cette séance. Le réveil sonnait à sept heures du matin. Toujours branché sur France Inter. Je me levais à sept heures et demi, prenais le bus 613 à huit heures précises puis le RER B à huit heures et demi et j'arrivais généralement un peu avant ou un peu après neuf heures, ne sachant pas encore pour quel film j'allais opter. Sans internet, impossible de prévoir à l'avance l'heure exacte de la séance, ni les films disponibles. Mais il me fallait ma dose hebdomadaires d'images en mouvement et, pour rien au monde, je n'aurais raté ce rendez-vous avec ma nouvelle addiction. Je dormais 24 images/seconde, je mangeais 24 images/seconde, je vivais 24 images/seconde, je vibrais 24 images/seconde. C'est aussi pour ça que j'ai vu beaucoup de films ineptes lors de mes deux premières années « UGC illimité » malgré les rires que je devais parfois subir des ouvreurs avec qui j'avais fini par sympathiser. Avant que ces derniers ne soient remplacés par d'horribles machines automatiques, j'avais un contact régulier avec certains d'entre eux - dont un en particulier qui n'a pas hésité à me dragouiller pendant près de dix-huit mois...^^ - qui me conseillaient tel ou tel film, me demandaient mon avis à la sortie lorsque je repassais devant eux pour prendre un nouveau ticket. Effectivement, je faisais en sorte de pouvoir enchainer avec un deuxième film à la séance de onze heures avant de reprendre le RER A pour aller à la fac ou le RER B pour rentrer chez moi. Parfois, lorsque j'avais davantage de temps devant moi, il m'arrivait même d'enchainer avec un troisième film à treize heures. Quand je pense à l'heure de transport que je devais supporter avant d'atteindre l'extase de la séance du matin, je me demande comment j'ai pu vivre si longtemps en banlieue et surtout comment j'ai pu voir autant de films en deux ans.
Quand j'ai emménagé à Paris, dans le XIIIème arrondissement, mon biorythme a évolué, mes conditions de vie aussi. A l'époque, UGC et Mk2 n'étaient pas encore alliés (et n'attaquaient pas en justice les petits cinémas municipaux) et, par conséquent, le cinéma le plus proche de chez moi acceptant ma carte idolâtrée était l'UGC Bercy et sa séance de dix heures du matin. Autant de temps de sommeil gagné. Et puis une autre révolution m'attendait. A Bercy, les ouvreurs avaient déjà été remplacés par des machines. Plus d'attente, plus de contact, plus d'humanité, la séance du matin était devenu un plaisir solitaire, le prolongement d'une nuit passée seul au milieu de mes six oreillers. Cette première séance me permettait de repousser jusque midi le moment de me frotter au monde qui m'entourait. Habitant à une petite quinzaine de minutes du cinéma, je partais généralement à la seconde même où les bandes-annonces et les pages publicitaires commençaient à être projetées dans la salle. Et, j'arrivais à la seconde même où la lumière s'éteignait et que le film commençait, une trentaine de minutes seulement après avoir émergé d'une douce et longue nuit. Cette séance me permettait de me structurer, de me forcer à me lever le matin au lieu de trainer au lit. Avez-vous déjà remarqué qu'il était beaucoup plus facile de se lever pour aller au cinéma plutôt que pour travailler des matières qui vous emmerdent profondément ? Malheureusement, cette année, aucun cinéma ne proposait de séances du matin à proximité de chez moi. Seul le UGC Opéra offrait une séance un peu avant onze heure. Mais sa programmation était tellement lamentable que je n'y ai quasiment pas mis les pieds de l'année, préférant de loin le Cinéma des Cinéastes ou les Mk2 Quai de Seine/Quai de Loire - que je ne parviens toujours pas à différencier. Aucun cinéma susceptible de m'offrir le plaisir intense de la première séance du matin, plaisir comparable à celui de la première gorgée de bière de Philippe Delerm. Aucun cinéma susceptible de me sortir du lit à une heure encore décente.
Cela étant dit, d'une manière générale, je ne peux m'empêcher de penser que le cinéma est certes devenu une drogue au fil du temps mais qu'il m'est également bénéfique car il m'impose des horaires, fixe un cadre à ma semaine. Dès le mardi soir, je me rue sur Allociné pour planifier, organiser le déroulement de mes activités. Les films choisis sont autant d'éléments conçus pour m'empêcher de me laisser aller. Parce que le naturel revient au galop et que je ne veux pas devenir un minable scotché à mon écran d'ordinateur comme toi qui me lit.
4 commentaires:
C'est quoi ce hiatus illusoire que tu essaies de créer dans ta vie, entre un "avant" - où tu allais voir des navets - et un "après" - faste en chefs d'œuvre et films exigeants -, alors que tout le monde sait que tu t'es rué devant "Sans Sarah, rien ne va"!!!
Oula mais tu me provoques...^^
Alors effectivement, j'ai vu deux films pas forcément très exigeants lors de ces deux séances de neuf heures - en l'occurence "Sans Sarah, rien ne va" et "Speed Racer" mais j'y suis allé par pure curiosité intellectuelle... et très honnêtement, les deux films ne sont pas si mauvais que ça... Je peux même te faire une confidence, j'ai ri et pris du plaisir devant "Sans Sarah rien ne va" !^^
Je te provoque parce que tu aurais dû, dans ta grande bonté, me dissuader d'aller voir les Amants réguliers. Il faudra que tu m'expliques un jour ce que tu as aimé dans ce film. Qu'est-ce que je me suis ennuyé... Et puis, un film qui dit merci à Christine Albanel est forcément suspect ou mauvais ou les deux...
Il dit merci à Albanel ? Garrel serait donc corrompu ?
Et je reste troublé par Les Amants Réguliers qui est un film que j'aime beaucoup. Pour moi, c'est le film révolutionnaire romantique par excellence. Le couple d'acteurs formidable qui se forme avec le génial Louis Garrel et la étrange et ravissante Clothilde Hesme est filmés avec amour et sensualité par Philippe Garrel dans un style à mi chemin entre Fellini et la Nouvelle Vague. J'ai vraiment été séduit par le noir et blanc magnifique qui n'est pas un noir et blanc de vieux films. Ici, les contrastes, les ombres sont accentués et c'est ce qui confère un statut d'œuvre d'art à cette fresque unique. Je persiste : Les Amants Réguliers est vraiment un film magnifique. Au début on est plongé dans la folie, dans la fièvre de mai 68 avec cette haine de la police, du système en place, les idéaux et tous les "clichés" de l'époque. Et puis petit à petit, les "révolutionnaires" semblent confrontés au réel, déçus par le manque de radicalité du mouvement social. Après l'espoir, c'est la désillusion. C'est un film dur, sans espoir et sans concession mais doux et sensible. C'est plein de petits moments très réalistes, de petits bouts de vie saisis sur le vif. Et puis, dernier élément, la musique est vraiment magnifique, simple mais saisissante. Elle renforce et accentue le côté désuet et touchant du film. Des petites notes de musique de temps en temps. Un pur enchantement ! C'est cette musique par intermittence qui permet de tenir les trois longues et lentes heures que durent le film.
Voilà... Je ne te permets pas de dénigrer les Amants Réguliers... ;)
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