30 octobre 2008

Georges Rouault, un artiste inclassable

Après ma critique sévère de l'exposition Pollock et le chamanisme, je me dois de tempérer la haine que je nourris contre la Pinacothèque de Paris. Grâce à leur mauvaise organisation, j'ai pu m'introduire gratuitement dans l'exposition baptisée Georges Rouault, un artiste inclassable. Je reconnais que je connais assez mal l'oeuvre de Rouault. C'est pourquoi, j'ai été étrangement conquis par la découverte de la collection japonaise Idemitsu exposées pour la première fois en France depuis la seconde guerre mondiale.

Malheureusement, si j'ai été conquis par les toiles, je l'ai été nettement moins par la scénographie de Marc Restellini, visiblement piètre commissaire et piètre communicant motivé davantage par l'appât du gain que par une quelconque conscience artistique. Sa scénographie brouillonne nous emmêle dans la chronologie. Je n'ai rien contre les expositions allant à l'encontre des accrochages chronologiques mais encore faut-il qu'elles aient une problématique, des thématiques fortes pour ne pas perdre leurs visiteurs. Ce n'est absolument pas le cas de ce déballage que Marc Restellini se contente d'accrocher suivant des motifs qui ne séduisent que lui – et peut-être la fine équipe de lèche-culs qui doit l'entourer.

Et c'est dommage de gâcher ainsi la fête qu'aurait dû être le cinquantenaire de la mort de l'artiste. Car l'oeuvre de Georges Rouault détient une force incomparable, une puissance émanant de l'intérieur, une violence concentrée qui prend forme sur la surface de la toile. Et cette puissance, cet émoi qui parcourt l'exposition va crescendo au fur et à mesure que l'on découvre de nouveaux tableaux – je n'évoque pas les fusains, aquarelles et autres encres finalement assez négligeables – et que l'on se prend à admirer chaque coup de pinceau comme autant de trait d'un génie méconnu. La texture, la couleur, le mouvement, l'atmosphère générale, tout laisse à croire que l'oeuvre de Rouault est traversée par une foi, une sacralité pas usurpée. Et c'est évidemment dans les représentations les plus pieuses, les plus religieuses que l'émotion se fait la plus forte. Ses christs sont renversants. Et, l'espace d'un instant, on oublie la superficialité du lieu, pour pénétrer de tout son être dans la peinture de Rouault.

Par ailleurs, les parallèles réalisés avec des estampes japonaises – reproduites en taille réduite de manière médiocre sur le mur – sont intéressants, voire pertinents, à défaut d'être bien orchestrés. Finalement, l'exposition est transpercée du début à la fin du spectre de ce qu'elle aurait pu être, de ce qu'elle aurait dû être...