Le nouveau spectacle de Wadji Mouawad s'appelle Seuls. Et pour cause, il apparaît seul sur la scène du Théâtre 71 de Malakoff pour deux heures de représentation. Il est donc l'auteur, l'acteur et le metteur en scène de cette pièce qui visiblement lui tient à coeur, vraisemblablement pour la forte connotation autobiographique qu'elle peut prendre.Il souhaite rompre avec ses oeuvres antérieures en s'exposant davantage, en n'hésitant pas à prendre des risques. Malheureusement, on est loin de retrouver le génie de ces pièces précédentes (Incendies, Forêt) dans son texte. Là où les premières nous surprenaient par leurs familles se désagrégeant progressivement dans le folie et le vice, celle-ci déçoit par sa sagesse et son rythme assez mou. La première demi-heure, même si elle est indispensable pour poser le personnage, se révèle d'un ennui mortel, le téléphone n'étant pas la meilleure trouvaille de mise en scène pour faire vivre un monologue. Puis petit à petit, on se laisse happer par l'enchainement des mots, par ce quotidien d'un thésard banal pour vivre, partager avec lui un peu de sa douleur de fils, un peu de son mal-être de déraciné. Parfois cocasse, souvent grave, le texte trouble par sa retenue jusqu'à ce déchainement final dans un nuage de déjections de peintures qui s'éternise un peu trop.Pourtant, hormis ce léger ratage final, la mise en scène est parfaite. Sensible, étonnante et pas tape-à-l'oeil comme bien souvent dans le théâtre contemporain. Wadji Mouawad confirme son talent d'auteur et de metteur en scène et convainc en tant qu'acteur. Sans être aussi magistrale que ces pièces précédentes, Seuls est une pièce indispensable pour approfondir l'univers d'un des artistes contemporains les plus prometteurs.