08 février 2009

Ode à la contrefaçon

René Magritte

J'ai longtemps été un fervent détracteur des contrefaçons. Même s'il m'est arrivé d'arborer fièrement une fausse ceinture D&G ou Armani, je me suis rapidement fait le défenseur des marques, jugeant de manière péremptoire les contrefacteurs, répétant hâtivement le discours tenu par les lobbys des grandes marques de luxe, ces marques qui stigmatisent les acheteurs de contrefaçons en les qualifiant de « terroristes ». Pourtant, je suis forcé de constater que je faisais fausse route. Aujourd'hui, alors que je suis en Italie, pays où la contrefaçon a pignon sur rue, je me sens obligé de modifier les schèmes de ma pensée, de briser ses a priori négatifs que je peux avoir sur le commerce international de produits contrefaits. Effectivement, libre à moi de penser qu'encourager la consommation de contrefaçons pourrait à terme remettre complètement en cause le fonctionnement même de notre société de consommation.

Toutes les stratégies de marketing actuelles reposent sur un seul élément : la marque. L'apparence, l'image de marque, est au coeur de toutes les campagnes, de toutes les interrogations, de tous les enjeux. Qu'est-ce qui différencie un article de marque fabriqué par de petites mains chinoises exploitées pour un salaire de misère d'un article générique fabriqué par de petites mains chinoises exploitées pour un salaire de misère ? La plupart du temps, les produits sortent des mêmes usines et ne nécessitent guère de connaissances d'ordre technique ou technologique. La seule différence réside donc dans le budget consacré au marketing et à la communication, des postes qui emploient des milliers de nuisibles chargés de vendre des produits dont les gens n'ont pas besoin. A partir de cette situation catastrophique, quoi de plus normal que ce système délétère se retourne contre lui ? Que des petits malins décident de court-circuiter cette glorification de la marque en vendant de pâles copies de produits de marque ?

En encourageant le trafic de contrefaçons, on détruit progressivement le capital intangible que représente la marque. La marque ne représente rien de concret, rien de quantifiable et n'est valorisable que par rapport au travail des agences de publicité. En poussant ce raisonnement à son paroxysme, on détruit le fondement même de la société de consommation qui impose des normes de consommation articulées autour de l'idée de marque et des fameuses valeurs socio-culturelles partagées par les acheteurs. Cette attaque ciblée portera ces fruits lorsqu'il sera devenu impossible de différencier une contrefaçon d'un produit acheté dans un circuit classique. Quel intérêt d'acquérir un sac à main 3000 euros si on peut l'acheter à la sauvette pour quelques dizaines d'euros seulement ?

Idéalement, il convient de tourner le dos au maximum à l'emprise des marques sur notre quotidien mais rien ne nous empêche d'avoir recours à la contrefaçon pour accélérer le basculement vers une société libérée de ce carcan psychologique que représente l'apologie de la marque. Ainsi, l'usage de contrefaçons peut avoir des répercussions positives à court-terme (l'impression d'avoir bien niqué tous ces branques qui ne comprennent pas en quoi la marque est une invention perverse au coeur d'un système pernicieux) et à long terme (l'impact du poids croissant de la contrefaçon sur le commerce de détail du luxe).

10 commentaires:

Antoine a dit…

A noter que je n'ai pas appliqué mes préceptes à moi-même et que je n'ai acheté aucun objet contrefait !

ombres et lumière a dit…

Ne t'exonère pas Antoine. Pour ma pars ni marque ni contrefaçon, mais autant que possible des produits artisanaux équitables. C'est pas toujours possible tant le monde du commerce est souvent flou.
Mais tant qu'à mal payer des ouvriers, et pas uniquement chinois, autant ne pas enrichir en plus des intermédiaires.

ombres et lumière a dit…

P.S.
MAGRITTE me va.
Pour sûr mon artiste préféré.

Tintin a dit…

Et la contrefaçon appliquée aux oeuvres de l'esprit? Tu es pour aussi?
Tu ne peux pas exalter la contrefaçon sans exalter du même coup le plagiat, le photocopillage, le téléchargement, etc... ou toutes les formes de contrefaçon. Et par ailleurs, je crois que tu peux potentiellement aller en taule pour ce que tu écris...

vg a dit…

Trop sensible à l'idéologie Dominante...

Antoine a dit…

Dans mon article, je m'abstiens de mentionner les contrefaçons dites "culturelles" (parce que les faux DVD de blockbusters hollywoodiens vendus par les chinois, on s'en branle...) et je précise à plusieurs reprises que je ne parle que des contrefaçons d'articles de luxe ! ;)

Et tes menaces ultra-sécuritaires ne m'effraient pas, les marques n'auront jamais... MA LIBERTE DE PENSER !^^

Tintin a dit…

Oui, mais moi je te dis, cher Florent Pagny, que tu ne peux pas séparer le problème de la contrefaçon des articles de luxe du problème de la contrefaçon en général. C'est exactement le même principe... D'ailleurs tu en sais quelque chose et tu es le premier à hurler quand un pékin reprend tes photos sur flikr sans te demander ton avis, et tu es bien content alors que le droit existe pour les mettre sous droit!!!

Raphaël a dit…

ça serait pas l'italie qui t'a fait changer d'avis ? :p

Anonyme a dit…

D'accord avec toi sur le fond... mais attention les ceintures, lunettes... D&C ou Vuiton ne sont pas les seules contrefaçons... il en existe d'autres beaucoup plus dangereuses au niveau des médicaments ou des pièces détachées de voiture qui elles peuvent s'avérer hautement dangereuse... car pas du tout de la qualité des produits qu'elles imitent

Amandine a dit…

Julie on a regardé les mêmes reportages lol.