24 mars 2009

Casimir&Caroline

Drôle de coïncidence. Alors que depuis quelques jours, je passe mes journées à jouer à Roller Coaster Tycoon, un jeu vidéo auquel je jouais quand j'étais ado et dans lequel il faut gérer un parc d'attraction, me voilà embarqué dans une pièce de théâtre se situant justement dans une petite foire avec ses montagnes russes, ses marchands de glaces et ses stands de tirs. Double coïncidence (plus ou moins fortuite, il faut bien l'admettre), la pièce prend vie dans l'Allemagne de l'entre-deux guerres, à l'heure de la crise de 1929, une situation qui sonne étrangement dans le contexte actuel.J'aime le théâtre d'Odon von Horvath – découvert avec Figaro Divorce à la Comédie Française – car il est à la fois daté et intemporel, situé et universel. Presque caricaturale, la pièce Casimir et Caroline nous offre pendant deux heures une vision pessimiste de l'humanité, partagée entre les hommes pervers et machistes et les femmes cupides et opportunistes. Les deux sexes s'affrontent lors de joutes verbales témoignant de l'incompréhension et de la difficulté à vivre ensemble. Mais au-delà de ce découpage au niveau du genre, se dessine rapidement une lutte des classes entre patrons abusant de leur position, de leur pouvoir, de leur argent et milieux populaires, victimes de la mainmise des possédants. Jusqu'à ce qu'une révolte éclate enfin, issue inévitable selon Odon von Horvath lorsque les inégalités deviennent trop flagrantes.Le plus marquant dans cette adaptation – qui profite d'une nouvelle traduction plus crue de François Regnault et de l'ajout de différentes scènes populaires issues d'autres pièces de von Horvath sans que l'on puisse vraiment faire la différence – est évidemment la mise en scène virtuose d'Emmanuel Demarcy-Mota, l'ancien directeur de la Comédie de Reims où j'avais vu sa mise en scène de Marcia Hesse. Dix-neuf comédiens qui s'activent en permanence au milieu d'un décor assez génial, à la manière des bandes de jeunes de West Side Story. D'ailleurs, la mise en scène, très visuelle, évoque souvent le cinéma (également très présent dans la mise en scène). Et la présence de Sylvie Testud à la distribution ne fait que renforcer cet effet. Tête d'affiche, elle s'efface complètement au profit de la troupe et fait preuve d'une incroyable humilité. Pas de salut individuel pour une performance qui est, il faut bien l'admettre, une performance collective (peut-être un peu antagoniste par rapport à l'esprit original de la pièce davantage centrée sur le couple qui bat de l'aile), une performance faisant vibrer ce texte sur la grande scène du Théâtre de la Ville.