12 janvier 2010

Histoire de langues

Erró

J'aime la diversité des langues. J'aimerais parler des dizaines de langues, de dialectes, de patois différents. Plus le temps passe et plus je m'intéresse à la linguistique, aux liens qui unissent les langues entre-elles ou au contraire les différencient. Je suis particulièrement sensible au respect des langues au cinéma, un respect qui relève autant d'une volonté de véracité historique que d'une recherche perpétuelle d'authenticité. Sans oublier, parfois, une certaine fierté patriotique lorsque j'entends parler français dans un film américain ou espagnol. Rien ne me fait plus plaisir que de voir un film coréen en coréen, un film suédois en suédois ou un film allemand en allemand. Je ne comprends strictement rien, ce ne sont pas forcément des langues très belles à entendre mais voir le film en version originale renforce mon immersion dans l'histoire. Lorsque je regarde des films en anglais, en espagnol ou en italien, la version originale est aussi l'occasion de découvrir de nouvelles expressions, de nouveaux mots et d'exercer mon oreille à écouter et comprendre une autre langue. C'est ainsi qu'il y a quelques années, alors que je vouais un culte au réalisateur Krzysztof Kieślowski, j'ai réussi à apprendre quelques mots de polonais qui revenaient de manière récurrente dans les premiers films du réalisateur ou bien dans son célèbre Décalogue, des mots qui me sont revenus à l'esprit avec délectation lorsque j'étais à Cracovie cet été.

J'aime surtout lorsque les films jonglent perpétuellement entre deux, trois, quatre langues ou plus. Babel d'Alejandro Inarritu ou encore Les Poupées Russes de Cédric Klapisch sont particulièrement démonstratifs à ce niveau là mais plus récemment, j'ai par exemple apprécié le passage du français à l'italien dans le film Gamines d'Eleonore Faucher (ou du navi à l'anglais dans Avatar !^^). Par ailleurs, je pense qu'un film comme Two Days in Paris tire son éclat, sa fraicheur et sa légèreté du mélange incessant entre français et anglais. Je pense que la mondialisation et la multiplication des échanges internationaux font que l'on vit dans un vrai bordel linguistique. Les langues cohabitent, coexistent et c'est ce qui fait depuis toujours le charme du voyage et de l'échange. J'aime quand le cinéma reflète cette réalité, une réalité empreinte d'une incontestable diversité culturelle qui passe avant tout par la langue.

Bien que je n'ai clairement pas aimé La passion du Christ et Apocalypto, j'aimerais saluer la persévérance de Mel Gibson à tourner le premier en araméen, en latin et en hébreu et le second en maya yucathèque. Des prouesses linguistiques qui laissent pantois et qui rendent Agora – vu hier – encore plus pathétique. Effectivement, Alejandro Amenabar, par soucis de rentabilité économique, a tourné son film en anglais. Cependant, pour faire plus vrai, il a fait adopter à ses acteurs des accents différents selon leur origine sociale et leur religion. Un tel film n'aurait dû voir le jour que s'il avait été tourné dans le respect des langues de l'époque, Alexandrie étant alors un véritable creuset ethnique, religieux et linguistique. Un parti pris difficile à accepter lorsque l'on sait que dans la Grèce antique, l'Agora désigne le lieu de rassemblement de la cité, ce qui en fait le centre de la vie sociale, un endroit où, par essence, le langage a forcément un rôle symbolique prépondérant. Le cinéma américain ne peut plus imposer l'anglais comme langue universelle comme du temps des grosses production de l'âge d'or hollywoodien tels que Ben-Hur, La Chute de l'Empire Romain ou encore Spartacus au risque de perdre sa crédibilité par le simple fait de vouloir réaliser des économies.

Je pense que l'avenir du cinéma passe par le respect de la langue en tant que vecteur d'une identité nationale, le cinéma pouvant lui-même être considéré comme l'un des vecteurs d'identité nationale les plus efficaces comme en témoigne son utilisation par la plupart des régimes fascistes. Par extension, je pense que l'avenir des langues dites minoritaires passe par leur utilisation dans des produits culturels comme peuvent l'être les œuvres cinématographiques. C'est pourquoi j'espère que l'un des grands défis de la décennie à venir dans le monde du cinéma sera d'accentuer encore plus les échanges linguistiques au sein des films, notamment en augmentant le nombre de coproductions entre pays européens. Ainsi, dans le spectacle vivant, le programme European Whispers soutient des pièces de théâtre mettant en scène quatre langues de l'Union Européenne, pourquoi ne pas étendre la subvention à des films d'auteurs enclins à développer une identité européenne dans le respect des spécificités linguistiques ?

1 commentaire:

JMV a dit…

Comme il est injuste de voir que ce post qui a tant coûté en heures de sommeil à son auteur rencontre si peu de commentaires!