28 janvier 2011

PropagandAREVA

Il y a une forte probabilité pour que tu aies déjà vu le dernier spot publicitaire d’Areva. Ce dernier propose ni plus ni moins un petit historique de l’énergie, de l’éolien aux « énergies consommant moins de CO2 » en passant par l’hydraulique, le charbon et le pétrole, le tout en moins d’une minute. Areva a ainsi recours au « storytelling » qui consiste à vendre une marque non pas en vantant ses qualités intrinsèques mais en racontant son histoire. Areva réécrit donc l'histoire de l’Antiquité à nos jours, comme si chaque époque avait son énergie. Or, toutes ces énergies se côtoient. Le nucléaire ne représente aujourd’hui que 6% de la consommation énergétique mondiale et c’est bien ce qui chagrine Areva qui tente avec cette publicité de redorer l’image du nucléaire en associant l'insouciance de la jeunesse qui danse sur le toit d’un immeuble ultramoderne et la présence d'une centrale à quelques encablures de la fête.



Effectivement, ce n’est pas tant la vision simplificatrice (et fausse, totalement fausse) de l’histoire de l’énergie qui est condamnable dans cette mini-superproduction de propagande (budget annoncé de 15 millions d’euros) que le message subliminal que cherche à faire passer la tristement célèbre marque française. Alors que l’énergie nucléaire est controversée en raison des risques d’accident nucléaire sur les réacteurs, des problèmes non résolus liés à la gestion des déchets radioactifs et du risque de prolifération nucléaire, Areva cherche à assimiler le nucléaire aux énergies propres. Dans le spot, la centrale nucléaire est mise sur le même plan que les éoliennes et les panneaux solaires ce qui est tout simplement de la désinformation, de la manipulation insidieuse. Il faut savoir que seul 2% du chiffre d’affaire d’Areva provient véritablement des énergies renouvelables, le reste étant lié à la vente d’uranium et de centrales nucléaires à travers le monde. Areva (ex-Cogema) œuvre depuis toujours pour le nucléaire et ce n’est pas à quelques années du renouvellement du parc nucléaire français que l’entreprise va changer de ligne de conduite.

Comme l’avènement des énergies renouvelables crée un risque de ringardisation de l’atome, les stratèges d’Areva font tout pour se fondre dans le camp des énergies renouvelables. Cela fait plusieurs années que le lobby nucléaire a pour obsession d’intégrer le nucléaire parmi les énergies renouvelables. Puisque la bataille semble perdue auprès des responsables politiques, ce spot publicitaire cherche avant tout à convaincre le grand public du bien-fondé du nucléaire, à séduire le français lambda grâce à de belles images d’animation dignes d’un film des studios Dreamworks. Areva a donc su donner une forme appétissante à son propos perfide. Ce spot de propagande est particulièrement dangereux. Réalisé par H5, collectif créatif à l’origine de Logorama, de la campagne Areva précédente et de dizaines de clips géniaux, il est esthétiquement très réussi. Rythme soutenu, musique entraînante (le fameux Funkytown, morceau déjà controversé dans la publicité de 2006), animation fluide, images sublimes, le spectateur assis dans son fauteuil de cinéma assiste à du grand spectacle.



Heureusement, je viens d’apprendre qu’Areva n’allait peut-être pas s’en tirer aussi facilement. Alors que ce spot pernicieux célébrant les dix ans du groupe a été validé par l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), plusieurs personnalités, dont Arnaud Gossement et le réseau associatif Sortir du nucléaire, en contestent le caractère « loyal et explicite ». Ces derniers dénoncent un « greenwashing » (ou écoblanchiment, tentative de donner une image écologique d'une entreprise), voire une « désinformation » du public. Reste à savoir si ce dernier se laissera berner par cette propagande pas très subtile en faveur d'une énergie dangereuse et absolument pas écologique...

1 commentaire:

Georg-Friedrich a dit…

En même temps, le public n'est pas crétin au point de gober qu'on peut danser en toute insouciance sur le toit d'un immeuble à côté d'une centrale. Cette centrale nucléaire est comme le nez au milieu de la figure, elle est hénaurme comme dirait Flaubert avec dix mille H aspirés, et ce qui justement ne devait être qu'un message subliminal pèse au contraire dix mille tonnes. Rien que pour ça, la communication d'Areva est un échec parce que tout le monde la comprend comme de la propagande et de la pure mystification. Cela dit merci pour ton billet qui fait du bien!