24 juin 2012

Marcha Toreador

Édouard Manet
J’aime la corrida. Je suis fasciné par ce combat entre l’homme et l’animal. Bien qu’inégal, l’affrontement est sublime. La tension est palpable. Il ne s’agit pas de se repaître de la souffrance du taureau mais d’assister à un spectacle captivant. Trembler successivement pour le toro et le torero. Jouir de la beauté du geste, de la précision des mouvements. Savourer ce ballet mortuaire à la fois bestial et raffiné. Ce n’est pas du sadisme mais le plaisir d’assister à un combat répondant à des codes ancestraux, véhiculant de nobles valeurs. La corrida est avant tout une performance technique, artistique, esthétique qui fait rapidement oublier l’horreur de la mort, la finitude de la vie. 

Je méprise les hérauts de la bien-pensance qui veulent interdire ces représentations en usant d’arguments fallacieux. Je n’arrive pas à comprendre les polémiques qui peuvent exister autour de cet art vivant, autour de cette tradition séculaire. Si je naissais bovin, je préférerais vivre quatre ou cinq années de bonheur dans des grands espaces, mangeant sainement et baisant librement, avant de périr dans l’arène après une lutte acharnée que grandir dans 2m2 dans un hangar lugubre, nourri de farines animales, et finir électrocuté pendu à un croc de boucher. La souffrance du taureau n’est rien face au scandale de l’élevage industriel d’aujourd’hui. 

La corrida ne doit pas disparaître, tout comme la fabrication artisanale du foie gras ou autres lubies de groupuscules écologistes amis des animaux. Mieux vaut mourir en grande pompe (l’or de l’habit de lumières du matador, le noir du taureau, le rouge du sang, le jaune du sable chaud de l’arène) sous les applaudissements de la foule et la musique d'un orchestre traditionnel que crever sordidement dans un abattoir. Il ne s’agit pas de faire de la mort un spectacle, ni d’exacerber la perversité de l’être humain, ni de légitimer la torture animale mais bel et bien d’offrir un spectacle digne de ce nom dont les stupides courses de vachettes ou les fades corridas sans mise à mort ne sont que de vulgaires ersatz. 

Comme l’a si bien dit le petit microcosme culturel parisien lors de l’inscription de la corrida au patrimoine immatériel de la France en 2011 : « Dans tous les cas la liberté culturelle des uns et des autres doit être garantie. Telle est la signification principale que nous voyons à l’inscription de la corrida sur la liste du patrimoine culturel immatériel de la France, au vu des observations et des réflexions exposées par un comité de chercheurs et d’universitaires dont les compétences scientifiques en la matière sont indiscutables. Toute pression exercée pour faire annuler cette reconnaissance de la tauromachie comme une culture vivante, qui contribue à l’identité des régions où elle se pratique, et qui a, par ailleurs, inspiré hier et aujourd’hui de grandes œuvres de la littérature et des arts plastiques et visuels, ne peut être, selon nous, qu’une réaction d’obscurantisme et d’intolérance. »
Espérons que le gouvernement nouvellement nommé ne revienne pas sur cette courageuse décision du Ministre de la Culture d’alors sous la pression des puériles associations anticorridas et des sondages stériles.

7 commentaires:

Georg-Friedrich a dit…

Une petite question (dans le même esprit que celle que tu m'avais posé sur Naples) : as-tu déjà assisté à une corrida???

Antoine a dit…

J'ai déjà assisté à des corridas, notamment une dans les célèbres arènes de Séville où ont toréé les plus grands toréadors !
La première fois que j'ai assisté à une corrida, j'y suis vraiment allé à reculons, imprégné que j'étais de la bonne morale écolo-bobo à la con ! J'en suis ressorti conquis, impressionné par la technique et le talent du torero et par la fougue du taureau !
Et toi, est-ce que tu t'aies déjà laissé tenter par une corrida ?
(à quelle question sur Naples fais-tu référence ?)

Georg-Friedrich a dit…

Jamais eu l'occasion! Je n'aime pas le Sud de la France! Et je préfère toujours aller en Italie qu'en Espagne!!! Et la seule fois où je suis allé à Nîmes, c'était en plein hiver... donc c'était mort pour la corrida!

Robert M a dit…

Je ne sais si mon commentaire sera lu passant ici pour "voir" à la suite du dernier article de G.F.
Je suis.. j'étais un grand amateur de corridas ... avant votre naissance avec la chance d'avoir admiré la génération des Camino, Ordonez et bien d'autres à Madrid notamment.
La corrida est un ART qui ne doit pas disparaitre.

Antoine a dit…

Commentaire lu avec plaisir !
A bientôt sur le blog de GF...ou sur le mien si le cœur vous en dit...

pH a dit…

Sous prétexte qu'il y a pire ailleurs, la mise en spectacle de la mort d'un être vivant est donc légitimée. Bravo. Du sophisme pur.

Anonyme a dit…

BRAVO POUR VOTRE ARTICLE

TOREADOR

Dans le cadre de mon projet poétique

blogs aléatoires mais pertinents

pour déposer mes textes aléatoires

mais pertinents,

permettez-moi de vous offrir

un de mes textes de chansons

---

TOREADOR

-1-

J’ai marché ce soir, la route dans le noir
des camions ont effleuré
mes tissus de vêtements donnés
ces camions qui lèchent la peur
sur mon corps
comme le taureau quand il frôle
la cape du toréador

cette nuit un camionneur m’a dit
qu’y a eu ben peur
m’a vu à derniere minute
pensait qu’y m’avait frappé
a regardé dans son miroir
a vu mon corps
comme le taureau quand il frôle
la cape du toréador

REFRAIN

si belle, si belle, si belle
même si j’ai encore gagné
la danse de l’intensité
y a juste le vent
des camions qui foncent sur moé
pour m’aider à cicatriser.


-2-

ça fait drôle tomber en amour dans chaque ville
des camions femmes qui foncent
que j’peux pas éviter
comme le taureau quand il frôle
la cape du toréador

chaque fois je me retrouve par terre ben assommé
de nouveaux trous dans ma cape ensanglantée
mon coeur échec et mat
camions femmes qui laissent des marques
comme l’a bien vu le camionneur
sur mon sourire
quand il m’a embarqué
aux petites heures.

Pierrot
vagabond céleste

www.enracontantpierrot.blogspot.com

www.reveursequitables.com