16 mars 2007

Homme pour Homme

Je reviens à l'instant du Théâtre de la Ville, place du chatelet, où j'ai pu voir Homme pour Homme de Berthold Brecht mis en scène par le directeur de la comédie de Reims : Emmanuel de Marcy-Motta ! Ils sont trop forts les rémois ! La représentation était magistrale, le texte magnifique (même s'il n'est pas évident du tout...), la mise en scène transcendante... Pourtant la soirée avait plutôt mal commencé vu que ma mère ne m'avait pas donné la bonne adresse, ne m'avait pas donné le bon horaire et que son contact qui devait me donner mes deux places gratuites était coincé dans les embouteillages... Heureusement, des gens n'avaient pas réussi à revendre leurs places et nous sommes rentrés à quelques secondes du lever de rideau (sans payer...). En plus, je reconnais que j'ai squatté le second rang alors que mon billet indiquait le rang K ! J'étais donc idéalement placé, juste en face de la petite avancée de la scène... J'aurai pu toucher le majestueux Galy Guy tellement il était proche de moi !

Quel charisme ! Quel aura ! Cet acteur (Hugues Quester) est renversant ! En plus, la pièce m'a permis de retrouver Philippe Demarie, l'acteur qui joue l'oncle homosexuel dans Marcia Hesse, dans la mise en scène de ce même Marcy-Motta ! Les 12 acteurs (plus la musicienne) sont exceptionnels ! J'adooore les pièces où il y a beaucoup d'acteurs... Surtout que là, la scène était suffisament grande pour qu'ils aient l'espace pour nous prouver leur immense talent ! Tous les rôles sont extrêmement physiques, extrêmement durs... On est pas dans l'armée pour rien ! D'ailleurs, la pièce m'a parfois fait pensé à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola pour la dureté, le côté bestial, des relations humaines et m'a aussi inévitablement fait penser au Procès de Kafka que je suis actuellement en train de lire !

"Il était une fois un brave homme pacifique du nom de Galy Gay. Tout au moins au moment où commence l’histoire et où il s’en va acheter du poisson. Car sur sa route, il rencontre trois soldats qui ont besoin d’un autre homme, un remplaçant pour compléter leur équipe. Et voilà donc, après bien des consentements et des dérobades, voilà Galy Gay, devenu l’autre. Devenu, sous le nom de Jeraiah Jip, un guerrier enragé. S’est-il laissé manipuler ou a-t-il profité de la situation ? A-t-il vraiment changé, ou a-t-il découvert en lui un personnage qu’il ne soupçonnait pas ? Emmanuel Demarcy-Mota laisse la question ouverte. Question que de spectacle en spectacle il pose : comment construire et faire vivre dans toute sa profondeur ce lieu de toutes les ambiguïtés : le théâtre." (Colette Godard)

Le texte de Brecht est extrêmement riche ! Pendant la représentation, on est incapable de saisir toute la portée philosophique d'une telle pièce ! Cependant, en relisant le livret, on se rend compte des nombreuses questions que pose la pièce : A quel moment un être humain est-il exactement lui-même ? Faut-il renoncer à son nom ? L'homme est-il (ir)remplaçable ? Autant de questions importantes qui s'ajoutent à celles de l'importance de la personnalité, de l'intégrité, de l'identité !

Et je garde le meilleur pour la fin vu que je vais conclure sur la mise en scène magistrale d'Emmanuel de Marcy-Motta ! C'est vraiment très réussi ! Des décors conséquents et particulièrement mobiles (le train, les tentes, le temple...), un jeu d'acteurs brillant qui utilise toute la surface et la hauteur de la scène, des costumes magnifiques (la dernière scène sur cet immense rideau blanc où l'on voit ces 12 soldats habillés pareils dos au public est saisissante !), un jeu d'ombres et de lumières efficace (j'aime beaucoup les pièces où les parties de la scène sont plongées dans le noir successivement... ça permet de vachement joué sur la profondeur de la scène...) et une mise en valeur étonnante de cette pièce... Tout mon entourage m'avait mis en garde contre le côté un peu casse-couille des pièces de Brecht ! Pourtant, j'ai trouvé que la pièce était un véritable ravissement et, même si le texte est difficile, je n'ai à aucun moment décroché mon attention !

La pièce reste sur Paris jusque la fin de la semaine puis migre vers Reims pendant les deux premières semaines d'avril ! Vous savez ce qu'il vous reste à faire !