26 février 2008

Rétrospective A. R. Penck

 A.R. Penck

Jusqu'au 11 mai 2008, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris offre une grandiose rétrospective à l'artiste polymorphe allemand A.R. Penck. Peintre, sculpteur mais aussi théoricien et musicien, A. R. Penck (né Ralf Winkler) offre une oeuvre protéiforme dont les plus belles pièces sont réunies dans cette exposition récompensant la carrière exemplaire d'un artiste obsessionnel qui n'a cessé de renouveler son art.

Déjà dans le hall, la peinture Quo Vadis Germania, longue de dix mètres, prend les tripes du visiteur par l'accumulation de signes, voire de signaux. Comme la plupart des toiles de l'artiste originaire de Dresde, il faudrait des heures pour décrypter chacun des symboles et pictogrammes qu'il glisse dans son travail, travail qui fut pendant longtemps celui d'un humaniste lassé par les divisions entre les hommes, par les problèmes de communication dans la société moderne.

De grands formats réunis dans un espace aéré, presque aérien. Lumineux, le circuit présente de manière chronologique les oeuvres marquantes de A.R. Penck - du nom du géologue Albrecht Penck - produites tout au long de sa vie. Les personnages-bâtons de ces premiers travaux font penser aux silhouettes de Keith Harings, la couleur et l'exubérance en moins ou encore aux oeuvres moins connues de Louis Sautter. La série « Standart » (standard et art dans un même mot) est pour lui le moyen de créer un langage commun, un vocabulaire universel qui, tel l'espéranto, devait permettre une meilleure communication entre les hommes. Il cherche à instaurer une forme d'unité grâce à son travail artistique. Le passage, oeuvre enflammée au sens propre comme au figuré, montre son angoisse de la division et sa volonté de réunir, de lier les hommes malgré les contradictions entre les systèmes politiques de l’Est et de l’Ouest. 

Effectivement, dès le début de sa carrière, A. R. Penck semble torturé, blessé par la séparation de l'Allemagne. Avec une violence inouïe, à vous couper le souffle, son oeuvre s'articule autour de ce contraste entre la RDA à l'Est et la RFA à l'Ouest. En 1980, alors qu'il vient de quitter l'Allemagne de l'Est dont il est natif, il lâchera cette phrase devenue célèbre : « L'est m'a recraché, l'Ouest ne m'a pas encore avalé ». C'est à la même époque qu'il peignit le magnifique – et néanmoins virulent - diptyque Est/Ouest, point d'orgue de l'exposition. L'opposition qui existe entre le modèle de société capitaliste source de débauche et le système communiste en pleine déliquescence trouve sa représentation dans cette oeuvre magistrale.

Dans d'autres toiles, plus personnelles, plus autobiographiques, on retrouve l'influence (mais à l'endroit !) de son compatriote et ami Georg Baselitz. D'ailleurs, A.R. Penck fait partie ce groupe que l'on appelle les Nouveaux-Fauves, reconnaissables à leur peinture violente, excitante et insouciante. Ce mouvement, qui fleurit en Allemagne dans les années 1980, marqua le retour à la peinture dont on avait pourtant annoncé depuis longtemps la fin. C'est aussi une période où l'érotisme et le sexe revint sur le devant d'une scène artistique en révolte contre l'art intellectuel et bourgeois des années 70. Ainsi, impossible de ne pas voir les phallus (en érection ou non) des personnages qui ornent les toiles de l'artiste allemand. Au-delà de la simple dimension sexuée de son oeuvre, il renvoie les hommes face à ce qui les réunit tous : le sexe.

Malgré ces autoportraits le présentant comme un homme replet et heureux de vivre, on sent derrière chacune de ses oeuvres la crainte et le génie d'une âme tourmentée, même si ces oeuvres les plus récentes se sont un peu apaisées.