18 octobre 2008

La Rivolta

Luigi Russolo

La crise financière me rend perplexe. Cette crise, je l'ai prédite, je l'ai imaginée, je l'ai fantasmée, je l'ai souhaitée ardemment. J'ai démontré dans de nombreux articles pourquoi elle était inévitable, inéluctable. Cette crise est la conséquence directe d'une déconnexion entre la sphère financière et l'économie réelle. Elle est la résultante de l'invention d'outils financiers de plus en plus complexes, de plus en plus risqués et de la spéculation inhérente au Marché. Cette crise m'enchante car, d'une part, elle me donne raison et, d'une autre part, elle donne une lueur d'espoir d'en finir un jour avec les lois économiques qui nous gouvernent. Chaque nouvelle chute me rend extatique. Chaque nouvelle faillite me transporte de joie.

Pourtant, l'ensemble a un goût d'inachevé. J'ai l'impression que l'on passe à côté d'un moment décisif, d'une opportunité unique. Que c'est maintenant et tout de suite que nous devons réagir, que nous devons porter au capitalisme un coup ultime, fatal pour son avenir. Il semble désormais évident que nous devons en finir avec cette génératrice d'inégalités pourrissant le monde depuis trop longtemps. Pourtant, nous restons impassible, nous réjouissant chaque soir de la chute des cours de la Bourse, imaginant ce que pourrait être le monde d'après. Mais concrètement que fait-on ? On laisse les Etats injecter des milliards d'euros pour rattraper les conneries de quelques traders et autres financiers qui s'en sont mis plein les poches pendant des années ? On applaudit Sarkozy quand il appelle à une refonte du capitalisme tout en sachant que ses mesurettes ne sont qu'un leurre pour protéger les puissants de la masse qui commence à grogner ? On se gargarise devant les discours d'anciens dirigeants ultra-libéraux ayant retourné leur veste lorsque la crise a pointé son nez ?

Autant de questions qui en appellent d'autres. La crise financière a sonné le glas du laisser-faire économique mais les solutions adoptées aujourd'hui sont-elles suffisantes pour modifier en profondeur les relations Nord-Sud et réduire les inégalités croissantes entre pauvres et riches ? Ne faudrait-il pas en finir une bonne fois pour toute avec ce système nauséabond ? Le capitalisme étant par essence générateur d'inégalités, tout cela ne risque-t'il pas de se reproduire dans quelques années, une fois la crise oubliée ? La population semble de plus en plus méfiante vis-à-vis du libéralisme, n'est-ce pas le moment de lui imposer de nouveaux schèmes de pensée ? La révolution par les urnes ne se fera pas, ne se fera jamais car les gens sont trop frileux, trop pusillanimes pour voter pour un parti portant un projet révolutionnaire alors qu'attendons-nous pour la faire dans la rue, dans nos écoles, dans nos bureaux ?

Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes inquiets, nous craignons l'avenir car nous ignorons ce qu'il va se passer. Il est tellement facile de se voiler la face, de se résigner aux vies qui nous attendent, d'accepter le monde tel qu'il est à partir du moment où l'on est du bon côté de la barrière. Aujourd'hui, j'ai l'impression que nous nous dégonflons, que l'on sait que désormais c'est à nous de jouer mais que l'on a peur, peur de franchir le cap, peur de ne plus pouvoir faire demi-tour, peur de renoncer aux emplois florissants qui nous attendent, peur de renoncer à une vie simple faite de voyages et de plaisirs, sans nous soucier des milliards de personnes qui vivent sous le joug du capitalisme. Mais n'est-ce pas de cette angoisse que nous devons tirer notre force ? Mais ne vivons-nous pas nous aussi sous le joug du capitalisme ? Car finalement, nous n'avons rien à perdre. Nous n'avons rien, ils détiennent tout. Il est temps d'inverser les rôles et de renverser les capitalistes qui se moquent de nous et nous méprisent.

5 commentaires:

ohlebeaujour a dit…

dans un moment pessimiste, j'ajouterais: peur du grand soir? peur du changement?

mais il y a tant à gagner à changer le monde

je suis avec toi

vg a dit…

Nous rejoignons les grandes peurs de l'Histoire...devrons nous rajouter le préfixe:l'an de grâce...? nôtre comportement est décevant.

Cécile Qd9 a dit…

Hum ton messag m'inspire plusieurs commentaires...

1 - pour moi "projet révolutionnaire" est un oxymoron... Quand tu croises un révolutionnaire avec un projet, tu me le montres... ;o)

2 - Cette crise est sans rapport avec les problèmes Nord/Sud (pour une fois...)

3 - la vie même est génératrice d'inégalités... Se souvenir d'un certain sketch de Coluche sur le sujet...

4 - se réjouir des faillites ? Mouais, voila un truc que je trouve aussi idiot que de brûler des voitures dans sa banlieue... A ton avis, qui souffre en priorité de ces faillites ? les traders de Wall Street que tu fustiges ou les petits employés/ouvriers dont les entreprises à des centaines voire des milliers de km de là ne parviennent plus à obtenir de crédit et qui vont être obligées de licencier (parfois malgré des carnets de commande pleins) parce qu'elles n'obtiennent plus de crédit ? Ce sont ces gens là qui trinquent, pas ceux qui ont causé la crise ! Alors non, moi, les faillites, ça ne me fait pas marrer et oui, il est INDISPENSABLE quoiqu'on pense du système capitaliste par ailleurs, de protéger les établissements financiers afin de ne pas engendrer des dégats considérables dans le tissu industriel et notamment parmi les PME.

Antoine a dit…

Je ne suis pas d'accord...

1) Révolutionnaire ne signifie pas anarchiste. Généralement la Révolution, le Grand Soir ne constitue qu'une étape vers la mise en place d'un nouvel ordre social.

2) La crise est sans rapport avec le conflit Nord/Sud mais elle a des conséquences dramatiques sur le Sud, ne serait-ce que parce que le Sud est plus fragile. Les "émeutes de la faim" étaient une première résultante de cette crise due au report de capitaux massifs sur le marché des matières premières. Et les premiers à souffrir de la crise sont les pays asiatiques et les pays africains (cf un Libération paru il y a quelques jours).

3) Certes... mais est-ce une raison pour les accepter ? les encourager ? Or, le libéralisme est par essence un générateur d'inégalités, et pire encore, un accélérateur d'inégalités (cf les chiffres sidérants sur le fossé entre les plus riches et les plus pauvres qui accroit chaque année).

4) Et oui, je te l'accorde, il est très con de se réjouir des faillites. Mais peut-être que quand les gens seront au chômage, ne seront plus aliénés par leur travail à la con, ils découvriront qui les a envoyés droits dans le mur, qui les a conduits dans cette situation et qui s'en est mis pleins les poches pendant que d'autres trimaient pour des cacahuètes. Et à ce moment-là, je n'aimerais pas être à la place des traders et autres financiers... Et c'est cette prise de conscience que je souhaite ! Et mine de rien, cette idée commence à faire son petit bonhomme de chemin !

Cécile Qd9 a dit…

Tout d'abord nos divergences flagrantes sur ce sujet précis ne remettent évidemment pas en cause le fait que j'aime ton blog et ce que tu écris en général (même ça ;o) ). Il est toujours plus intéressant de se confronter à la contradiction qu'à l'acquiessement général.

Pour le reste je n'ai pas trop le temps ici et maintenant mais comme dirait Terminator : je reviendrai !