Le Dansoir est un lieu magique, un univers à part entière, coupé du monde extérieur. Lorsque l'on pénètre dans cette petite salle ovoïde, on fait un premier pas vers le pays des merveilles, on franchit le seuil d'un lieu de plaisir à l'atmosphère feutrée et à l'odeur de mets délicats et forts apétissants. Malheureusement, après un court moment de rêverie, de méditation dans l'antre des délices, on déchante. La forme arrondie de la salle exige une attention de tous les instants afin de suivre les mouvements lents et langoureux des danseurs. Minimalisme maximum. Chaque geste est décomposé, chaque pas est savouré. Le jeu de lumière est médiocre : aveuglant parfois, mal dirigé souvent, trop fort tout le temps. Là où la magie devrait régner en maitre, c'est la désillusion et l'épuisement qui priment. De plus, la musique électronique ne sied guère au lieu qui appelle davantage les danses nobles que ces élucubrations répétitives sur fond de grésillements assourdissants et autres tics sonores abrutissants qui brisent en quelques instants la magie du lieu. Car non contents de se contenter de danser, les danseurs et danseuses élucubrent des mots censés illustrer les gestes qu'ils sont en train d'effectuer. Imaginez le lapin s'avançant vers Alice et répétant cinq ou six fois consécutives : « le lapin approche d'Alice, le lapin approche d'Alice, le lapin approche d'Alice, le lapin approche d'Alice, le lapin approche d'Alice », le tout entrecoupé de grésillements stressants venus des enceintes situées à côté de moi. Un spectacle à vous rendre fou. Pourtant, la chorégraphie de Karine Saporta ne manque pas de lyrisme et le sujet semble à première vue intéressant mais les fioritures ajoutées de-ci, de-là suffisent à détruire l'envoûtement des premières secondes, à annihiler la féérie du Dansoir.