Cette nuit, la tempête s'est levée. Avant même que le soleil ne se couche, le vent avait déjà commencer à forcir. La température, étouffante dans l'après-midi, avait perdu plusieurs degrés en quelques heures. Pourtant, dans un moment de folie mêlée d'inconscience, nous avons mouillé le voilier à quelques encablures seulement de la digue protégeant le port de Porquerolles. Au milieu de la nuit, un bruit assourdissant se fait entendre. La poupe du bateau – à moins que ça ne soit la quille – cogne à deux reprises contre la jetée. Réveillé à moitié, je préfère me replonger dans mon sommeil, considérant le vacarme comme un pur produit de mes rêves, déjà émoustillés par le claquement incessant des haubans contre le mât depuis le début de la nuit. Malheureusement, Nastasia, apeurée, vient me sortir de ma torpeur. A moitié nu, le teint blafard, les yeux embués, je me presse sur le pont. Il nous faut rallumer le moteur, relever l'ancre et avancer, à l'aveuglette, pour aller mouiller Motus un peu plus loin dans la crique. La nuit est noire, on devine à peine la forme des autres bateaux autour de nous. Face à moi se trouve une forêt de mâts signalés par une simple ampoule blanche à leur sommet. Cela fait un drôle d'effet, à la fois hypnotique et effrayant, un sentiment d'effroi renforcé par le vent qui ne cessent de s'abattre sur le voilier ballotté de part en part. Je peine à guider Nastasia qui se trouve à la barre. Malgré le silence de la nuit, je sens mon cœur battre à toute vitesse. Sur le moment, je ne réalise rien, gardant mon calme légendaire malgré le vent qui me glace les os et l'agitation ralentie qui règne sur les autres bateaux autour de nous...Au petit matin, il me faut risquer ma vie à nouveau. Après avoir pris un petit-déjeuner consistant, je me vois dans l'obligation d'aller affronter les vagues et l'eau glacial pour aller libérer le safran dans lequel s'est coincé une corde et deux petites boules, reliquat d'un maudit filet de pêche qui nous avait harponné la veille. La mer est agitée. La tempête de cette nuit a remué ses entrailles. Je lutte pour garder la tête hors de l'eau. Qu'elles me paraissent loin les années où je nageais comme un poisson, que dis-je un dauphin, et que je jouais au water-polo. Je plonge une première fois. En repérage. Le filin est complètement bloqué. J'ai beau mettre tous mes muscles en action, je ne parviens pas à le libérer, ne serait-ce d'un millimètre. Je replonge à plusieurs reprises avant de définitivement renoncer. Je manque de souffle. Je tiens à peine 15 secondes dans l'eau avant d'avoir l'impression d'étouffer. Dans ces conditions, impossible de couper la corde qui entrave notre marche, impossible de tirer dessus. D'autant plus que je vis dans la peur d'être assommé par la poupe du voilier qui ne cessent de se soulever et de s'affaisser au rythme ininterrompu des vagues. Dépité, déçu d'avoir échoué, je remonte dans le bateau la tête basse.
Heureusement, cet épisode n'est qu'un léger contre-temps vers ma gloire éternelle. Quelques heures plus tard, alors que nous mouillons au port de Porquerolles dans l'attente d'un plongeur libérateur, je retente ma chance. L'anse est protégée. Le vent est retombé. L'eau est calme. Je peux garder mes forces pour affronter mon objectif. Je tente d'abord de libérer le safran avec mes pieds, gardant ainsi ma tête hors de l'eau. Malheureusement, je dois me rendre à l'évidence, la méthode n'est pas efficace et je parviens seulement à m'égratigner les chevilles sur la coque du bateau. Il me faut donc enfiler mon masque et plonger. Sans aucun mal, j'achève de couper la corde, libérant ainsi l'un des flotteurs (que j'ai gardé en souvenir et que je conserve précieusement dans un coin de ma chambre). Le suivant suit presque aussi facilement. Tel un demi-Dieu antique, je me sens transporté par mon succès, fier d'avoir dépassé mon renoncement de la matinée, heureux d'avoir économisé les quatre-vingts euros demandés par le plongeur. Mon abnégation mêlée à mes qualités physiques naturelles ont eu raison de ce coup du sort. Nous pouvons dès lors quitter le port de Porquerolles pour reprendre la mer pour de nouvelles aventures dont vous pouvez retrouver les photos sur FlickR.
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5 commentaires:
Et je pourrais aussi vous raconter comment j'ai mis 10 heures à rentrer chez moi grâce au système de réservation merdique de la SNCF ! Ou comment j'ai lamentablement marché sur un oursin dont les aiguilles se sont logés dans mes doigts de pied, ce qui m'a valu un beau charcutage chez le médecin ! Et plein d'autres choses encore ! ;)
"Mon abnégation mêlée à mes qualités physiques naturelles " : sans compter ta légendaire modestie de demi-Dieu antique... Quelqu'un de moins modeste que toi aurait supprimé le "demi" de sa phrase...
Sale anti-capitaliste de droite va ! :D
Quelle vie trépidante...
Tu prends des passagers, parfois ???
Kikou
superbe tes photos et tu vois j'ai moi aussi marchée sur un oursin et
là je ne te raconte pas. Les bâteaux la mer oui la nostalgie de cette si belle Bretagne que j'ai du laissé de coté. Merci
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