Andy Warhol
L'ouverture d'un nouveau Musée Hermann Nitsch à Naples il y a quelques mois nous invite à (re)découvrir une cité souvent critiquée (le problème des ordures qui semble s'éterniser), parfois raillée (le linge séchant aux balcons dans de petites ruelles sombres) mais pourtant indéniablement raffinée.
Stendhal disait de Naples qu'elle était une grande ville riche d'histoire, avec Paris, l'unique possible capitale d'Europe. Pourtant, loin de se reposer sur son patrimoine culturel important – dont le Musée du Capodimonte ou le Musée National d'Archéologie en sont les emblèmes les plus célèbres – la ville témoigne d'une activité foisonnante au niveau de l'art contemporain. Décrite comme une ville chaotique où règne le désordre et l'anarchie, une ville étouffée par La Camorra (confer le violent Gomorra, grand prix au festival de Cannes 2008), une ville muselée par l'influence de la religion et des traditions, une ville où les seuls moyens d'expression institutionnalisés sont les tags et autres graffitis, une ville vibrant davantage pour les exploits de la Squadra Azzura que pour les dernières créations s'arrachant sur la scène internationale, Naples ne semble pas prédisposée à accorder une place d'honneur à l'Art Contemporain.
Pourtant, après une dizaine de jours à sillonner les rues de la capitale de la Campanie, il faut se rendre à l'évidence : l'art contemporain est partout. Il s'expose du haut des immeubles aux sous-sols de cette vaste jungle urbaine, du ciel pollué au ventre de la terre saturée. Sous la surface, les galeries du métropolitain ont été entièrement conçues par des artistes. Les stations de la ligne 1 du Metronapoli ont toutes faites l'objet d'une attention particulière. Peintres, sculpteurs, photographes, designers, plasticiens se sont relayés pour rendre le monde souterrain napolitain aussi attrayant que possible. C'est ce que l'on a appelé le projet "Stazioni dell'arte" (stations artistiques) qui propose de décorer toutes les stations d'œuvres d'art contemporaines et dans certains cas, d'exposer les stations elles-mêmes comme œuvres d'art. Plus généralement, ce travail d'embellissement des lieux publics se prolonge au-delà des bouches de métro. Les alentours de chaque station ont également été pensés, décorés, sculptés. Sortir aux stations Salvator Rosa ou Materdei permet un dépaysement bien loin des clichés de la vie napolitaine.
La ville possède plusieurs espaces d'expositions d'envergure internationale. Le Museo d'Arte Contemporanea Donna REgina (MADRE), le musée d'art contemporain bâti aux abords du quartier historique, bénéficie d'une collection permanente de qualité – même si un peu limitée quantitativement – rassemblant des grands noms de la scène internationale (Jeff Koons, Damien Hirst, Gilbert&Georges, Julian Schnabel, Sol Lewitt, Robert Rauschenberg, Gehrard Richter...) mêlés à des artistes nationaux inconnus ou presque du grand public étranger (Mario Merz, Jannis Kounellis, Francesco Clemente, Luciano Fabro, Giulio Paolini, Mimmo Paladino, Domenico Bianchi...), la plupart issus du mouvement Arte Povera. Le Musée organise également des expositions temporaires dont la notoriété dépasse les frontières de l'Italie : Georg Baselitz, Robert Rauschenberg, Alighierro&Boetti, autant d'artistes qui ont eu la chance d'avoir une belle rétrospective ces derniers mois.
Par ailleurs, l'immense Palazzo delle Arte Napoli (PAN), bénéficiant d'un espace de 6000m² en plein cœur de Naples, permet l'organisation d'expositions temporaires de qualité que l'on pourrait aisément comparer au Palais de Tokyo à Paris. Le lieu, reconnu pour l'éclectisme de sa programmation (dernièrement furent réunis des artistes tels que Julia Draganovic, Svjetlan Junakovic ou Joanpere Massana) est fréquenté par l'intelligentsia napolitaine curieuse de nouveautés et de surprises en matière de créations artistiques.
A Naples, la culture et la création font l'objet d'un investissement particulier de la part de la municipalité (qui n'hésite pas à ouvrir le Castel dell'Ovo ou le Castel Sant'Elmo à des expositions temporaires...) mais sont également encouragées par des acteurs privés comme en témoigne l'ouverture du Museo Archivio Laboratorio per le Arti Contemporanee Hermann Nitsch Napoli. Ce dernier a ouvert grâce au soutien de la Fondation Morra et permet de se plonger dans le travail saisissant de l'artiste viennois Hermann Nitsch, des oeuvres mêlant religion et sciences avec violence et avidité. Afin de prolonger sa démarche, le musée dispose d’un laboratoire d’expérimentation visuelle, olfactive et gustative, mais aussi d’une salle de visualisation des archives vidéos, musicales et de consultation des documents écrits. De plus, le musée planifie d’offrir, en collaboration avec la Fondation Morra, des bourses d’études à des chercheurs sur les performances, l’art multimédia et les œuvres interdisciplinaires au-delà du travail d'Hermann Nitsch.
Cette omniprésence de l'art contemporain surprend. Même le Musée du Capodimonte consacre un étage complet à l'art contemporain et a récemment organisé une rétrospective Louise Bourgeois (celle vue à Paris au Centre Pompidou, à Londres à la Tate Modern, à New-York au Musée Guggenheim et qui ne cesse de voyager) au sein même de sa collection permanente réputée dans le monde entier pour ses Caravage, ses Bellini, ses Boticelli ou ses peintres de l'école napolitaine. Tout cela laisse un peu pantois, comme si le danger représenté par le Vésuve, le puissant volcan qui domine la ville et menace de la détruire à chaque instant, mettait en exergue la créativité des artistes. Comme si l'Art se voulait une manière de se protéger du danger permanent émanant du cratère endormi. Naples apparaît donc comme une cité métaphorique poussant l'aspect éphémère de l'art contemporain à son paroxysme.
3 commentaires:
Bonjour, mais je ne connais pas moi, mais pas du tout bonne journée
ESTIMAT ANTONI,
Au coeur d'Orsay il y a une exposition " Voir l'Italie est...mourir !!!
presta atencio a alguna cosa !!!
Cette description de Naples m'a emu et passionné.
Merci Anthouane
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