08 août 2009

Poor Lonesome Cow-Boy

Ben Johnson

J'aimerais être un cowboy. Un ermite nomade, un solitaire arpentant de grands espaces, un anonyme perdu dans l'immensité de l'ouest américain. Autour de moi le désert, la poussière, le soleil qui chauffe ma peau burinée par le soleil, creusée par le vent, la fatigue. Je serais âpre, brut. Je parlerais peu, quelques mots de temps en temps. Surtout ne pas me livrer, intérioriser mes sentiments, mes émotions. Voyager, sans cesse, sans me poser de question, sans regarder derrière moi, avançant toujours tout droit, face au soleil couchant, une clope au bec, accompagné d'une musique composée par Ennio Morricone. Méditer. Sur le sens de la vie. Le soir, au coin du feu, je sortirais ma flasque d'eau de vie. Je ferais griller une boite d'haricots rouges ou bien un coyote, un de plus que je n'entendrais plus crier à la mort une fois la nuit tombée. Je chevaucherais d'un point à un autre, sans famille, sans ami, sans bien hormis ma ceinture en cuir offerte par un vieux peau-rouge, ma selle et mon flingue. Je n'aurais peur de rien, même pas de mourir. Je travaillerais, rarement, quand j'en aurais envie, quand j'en aurais besoin. Trois semaines par ci, quelques jours par là. Je serais libre. Seul et libre. Je ne serais pas heureux. Je ne serais pas malheureux non plus. Les jours s'écouleraient. Je fumerais des cigarettes, voire je chiquerais du tabac. Ça me donnerait un style. Viril. Parfois j'irais au saloon. Je boirais jusqu'à plus soif, jusqu'à avoir la tête qui tourne, jusqu'à gerber même, pour me prouver que je suis vivant. Je jouerais aux cartes, au poker sûrement. J'essayerais de tricher, pas pour l'argent, juste pour gagner, pour exister. On me prendrait pour un fou. Je serais juste seul. Je provoquerais d'autres cowboys en duel, pour des histoires de fric, des histoires de filles, parfois même pour rien du tout, juste pour me défouler, pour sentir l'odeur de la mort au bout de mon bras. Je serais hargneux sous mon apparente nonchalance, sous mon apparence nonchalante. Derrière mon visage inexpressif, la tempête ferait rage. Méditer. Sur le sens de la vie. De temps en temps, je serais blessé mais la plupart du temps c'est moi qui gagnerait. Je me taperais des putes aussi. Deux en même temps, dans la chambre d'un hôtel minable, aux draps sales et à la décoration pouilleuse. Pas la grande vie, mais à la longue on s'y fait. Peu de moyens, peu de besoins. Le monde continuerait de tourner mais moi je n'en ferais déjà plus partie. Je serais un autarcique. Peut-être que je serais plutôt un chasseur de primes. Autant motivé par le pognon que par mon goût de la justice. Je serais plus malin, plus rusé, plus habile que tous ces gredins bêtes et méchants. Je leur en ferais voir de toutes les couleurs et je les trainerais jusqu'au bureau du Shériff le plus proche. Mort ou vivant, pour récupérer les primes. Je cacherais mes billets au pied d'un cactus, à des dizaines de kilomètres d'un point d'eau. Et puis un jour, quand j'aurais mis suffisamment de côté, je prendrais ma retraite, une retraite bien méritée, un ranch, quelques arpents de terre, de la mauvaise terre, incultivable, trois-quatre bêtes. De quoi vivre, une vie simple, seul, loin de tous. Méditer. Sur le sens de la vie. Et creuser ma tombe, avec une vieille pelle rouillée, seul, sans rien demander à personne.

1 commentaire:

Cécile Qd9 a dit…

pas un cow-boy, plutôt un lonesome cow-boy !