19 octobre 2009

B-Box

Eduardo Arroyo

J'aimerais être un boxeur, aride et inexpressif. Un excellent boxeur noir, catégorie mi-lourd. Je me défoulerais. Une fois les gants enfilés, une fois monté sur le ring, je ne serais plus moi-même. J'oublierais tous les soucis du quotidien, toutes les interrogations qui me hantent. Je serais programmé pour gagner, décocher des coups aussi violents que bien placés. Un uppercut au menton en espérant voir voler des dents à travers la salle. Un direct dans le plexus solaire pour couper le souffle, asphyxier mon adversaire qui s'effondrerait comme électrocuté. Un crochet dans le foie, cet organe gorgé de sang qui pourrait rapidement rejeter dans l'organisme une impressionnante masse de sang qui couperait aussitôt les jambes de mon rival. Avec un bon entrainement, personne ne me résisterait. Offensivement flamboyant, défensivement éblouissant. J'esquiverais avec grâce. Je couvrirais les points sensibles de mon corps, mon visage coruscant, mon buste musclé, mon sexe démesuré. Je bloquerais les coups fermement. Je dévierais les attaques, anticipant la stratégie offensive de mon challenger. Je contre-attaquerais sans me dérober, sans oublier de reprendre aussitôt ma garde. Je riposterais habilement, adroitement, prestement, dextrement, intelligemment. On dirait de moi que je suis un boxeur cérébral, réfléchi, circonspect mais aussi un boxeur physique, presque charnel. Je danserais avec agilité. Je trépignerais d'impatience, prompt à envoyer mon opposant au sol. Piaffant, piétinant, je ne vivrais que pour mettre mon ennemi KO. Dix. Neuf. Huit. Sept. Six. Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un. Victoire. Une de plus. Mon attitude humble mais énergique et puissante séduirait les foules. Je serais adulé. Les filles crieraient mon patronyme, les adolescents auraient un poster de moi au-dessus de leur lit, les hommes parieraient sur mon nom. Je ne les décevrais jamais, enchainant les victoires, accumulant les triomphes. Chaque round serait un nouveau combat. Chaque adversaire serait un nouvel exutoire. Un pugilat moderne dont je ressortirais chaque fois victorieux, heureux champion de ma catégorie. J'éviterais les luxations, les entorses, les crampes, les traumatismes crâniens, les lèvres éclatées ou les arcades tranchées. J'aurais une santé de fer, un organisme résistant, une solidité à toute épreuve. Rien ni personne ne pourrait m'arrêter sur le chemin de la gloire. J'aimerais être un boxeur.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Un marin, ensuite un boxeur...un héros, quoi !
En général c'est vers 8 ans qu'on rêve d'être un héros, ensuite si tout se passe bien on fait tout doucement ce que les psy appellent "le deuil de la toute puissance" !!! Il est temps, Antoine, non ?

Tintin a dit…

La Cecilia Bartoli de la boxe en somme!...

Antoine a dit…

Je ne peux faire le deuil de la toute puissance car je suis tout puissant !

Anonyme a dit…

Trop drôle surtout quand on sait comment finissent les boxeurs...