Jean-Michel Atlan
Véritable phénomène de fin d'année, le « pamphlet » soit-disant ravageur d'une trentaine de pages écrit par Stéphane Hessel m'a terriblement déçu. Émoussé par son succès critique et public, je m'étais empressé d'aller en acheter non pas un mais trois exemplaires à la FNAC espérant ainsi diffuser le vent de révolte autour de moi à l'occasion des fêtes. Mal m'en a pris. La lecture en est déconcertante tant le livre est définitivement vide de sens. Maladivement modéré, Stéphane Hessel est un révolutionnaire au pays des bisounours. Son manifeste est un vade-mecum à l'usage des bobos à la tiédeur indécente. Alors que les médias en ont fait une icône de la dissidence en Sarkozie, Stéphane Hessel se révèle être davantage un chantre de la sociale-démocratie. Ces trente petites pages font l'apologie d'une « indignation » ambivalente à mi-chemin entre l'action pacifique de Gandhi et le consensus mollasson du Modem. Certes le constat est implacable (comment pourrait-il en être autrement alors que des scandales politiques, diplomatiques, écologiques ou économiques ne cessent d'éclater au grand jour ?) mais l'issue est désarmante de candeur. Compte tenu de la situation actuelle, on ne peut se contenter de se scandaliser à propos de tel ou tel sujet, de protester contre telle ou telle institution. La radicalité est devenue la seule voie raisonnable, la seule voix intelligible. L'indignation ne doit être qu'une étape, une étape qui fait suite à la prise de conscience, une étape vers l'action, vers la révolte. C'est pourquoi j'encourage les centaines de milliers de lecteurs de ces quelques pages à s'emparer du Manuel du guérillero urbain écrit il y a 40 ans par Carlos Marighela. A peine plus long, ce guide apporte des solutions concrètes pour changer les choses comme en témoigne l'avertissement donné en guise d'introduction par son auteur : « Toute personne hostile à la dictature militaire (remplacer par dictature médiatico-financière) ou toute autre forme d’exploitation et d’injustice, désireuse de combattre, peut faire quelque chose. Même si cette action est modeste, plusieurs petites actions en feront naître une immense. Ceux qui, après avoir lu ce manuel, auront conclu qu'ils ne peuvent rester passifs, je les invite à suivre les instructions que je propose et à s'engager tout de suite dans la lutte. Car, en toute hypothèse et dans toutes circonstances, le devoir du révolutionnaire est de faire la révolution ». Ces propos lui ont valu d'être abattu dans une embuscade policière au Brésil, un destin difficilement comparable à celui de Stéphane Hessel à qui toutes les télévisions, radios, presses écrites déroulent le tapis rouge pour diffuser son discours décati de gentil papy inoffensif.
1 commentaire:
Petite précision à l'usage de mon lectorat cinéphile, le Manuel du guérillero urbain fait l'objet de multiples citations par Hippolyte Girardot dans le film Dernier étage gauche gauche d'Angelo Cianci. Le texte est présenté en intégralité en suivant le lien suivant : http://www.terrorisme.net/doc/gauche/003_marighella.htm !
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