27 février 2012

Pour une révolution fiscale

Peter de Vos
La fiscalité est un sujet épineux. L’impôt est avant tout politique, il détermine quelle vie en société nous souhaitons, quelle vie en collectivité nous acceptons. L’impôt est une nécessité pour vivre ensemble en société. Il est un levier de la redistribution des richesses. Il est le garant d’un Etat fort, le dernier rempart permettant de contrer la logique des marchés. 

Il existe trois grandes catégories d’impôts : les impôts sur la consommation (TVA et taxes diverses sur le tabac, l’alcool, l’essence…), les impôts sur le capital (impôt sur les bénéfices des sociétés, taxe foncière, impôt sur la fortune et droits de successions) et les impôts sur le revenu (CSG et IRPP). Les impôts sur la consommation sont les prélèvements les plus injustes puisque les plus pauvres consomment la quasi-totalité de leur revenu, alors que les plus aisés peuvent en épargner une large part. Les impôts sur le capital, quant à eux, échappent en grande partie à la pression fiscale (chaque année, en France, les revenus déclarés par les chômeurs sont deux fois supérieurs aux revenus déclarés des produits financiers, des chiffres allant à l’encontre de toutes les statistiques de la Cour des Comptes). De la même manière, les impôts sur le revenu sont faiblement progressifs pour les revenus modestes et moyens, et franchement régressifs pour les hauts revenus. 

Effectivement, aujourd’hui, de part sa complexité, son manque de transparence et l’accumulation de privilèges pour une minorité de contribuables ultra-riches, l’impôt sur le revenu et les impôts sur le capital sont contestés, asphyxiés par l’augmentation constante de niches fiscales et de réductions d’impôt en tout genre, mis à mal par la politique de la droite au gouvernement.

Depuis le début de la campagne, la chose fiscale est la grande absente des débats. La droite est décrédibilisée sur le sujet après le mic-mac autour du bouclier fiscal, de la suppression de l’ISF et de l’augmentation de la TVA. Personne n’est dupe, ces mesures défendent des intérêts de classe, les intérêts économiques des dominants, des riches au détriment des classes populaires et moyennes. La priorité de toute réforme fiscale devrait être d'alléger les prélèvements pesant sur ceux qui n'ont que leur travail (salarié ou non salarié), et certainement pas de réduire les maigres impôts sur le patrimoine. Le Front de Gauche s’enfonce dans la démagogie avec la désormais fameuse « tranche-Mélenchon », tranche d’imposition à 100% au-dessus de 30 000€ mensuel (correspondant au salaire maximum autorisé). Et le Parti Socialiste semble plus perdu que jamais, annonçant la suppression du quotient familial avant de se rétracter, inscrivant dans son programme une tranche supérieure à 45% avant d’annoncer sur le plateau de TF1 un taux d’imposition à 75% pour les revenus annuels supérieurs à 1 million d’euros. 

Pourtant des solutions simples existent. Trois chercheurs en économie bien connus, Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, ont publié il y a près d’un an un livre intitulé Pour une révolution fiscale, accompagné d’un site internet extrêmement fourni permettant à chacun de se saisir de ces questions fiscales. Ils proposent la création d’un nouvel impôt sur le revenu, remplaçant un grand nombre de taxes existantes, notamment la contribution sociale généralisée (CSG), l'actuel impôt sur le revenu (IRPP), le prélèvement libératoire, la prime pour l’emploi et le « bouclier fiscal », désormais inutiles. 

Ce nouvel impôt sur le revenu, payé par tous les Français, sera prélevé à la source sur les revenus du travail et du capital (comme l’actuelle CSG, avec la même assiette que cette dernière), suivant un barème progressif (comme l’actuel impôt sur le revenu). Cela suppose de supprimer le quotient familial, une suppression qui renforcerait la neutralité de l’Etat face aux choix de vie (le mariage ne doit plus être la norme) et surtout qui renforcerait l’équité entre hommes et femmes au sein du couple (l’actuel quotient conjugal décourage le travail des femmes). Il est alors proposé de remplacer le quotient familial ainsi que tous les dispositifs d'aides aux enfants (allocations familiales, complément familial, allocation de rentrée scolaire, allocation de soutien familial, prestation accueil jeune enfant) par une allocation unique et universelle de 190 € par mois et par enfant, une allocation universelle plus juste que le système actuel. 

Ce nouvel impôt sur le revenu se révèle donc être beaucoup plus simple et transparent que le système existant. De plus, il permet de rétablir la progressivité globale de notre système fiscal, et donc de corriger l'injustice du système actuel. En moyenne, la réforme permet de payer moins d'impôts jusqu'à environ 6 000€ par mois (revenu brut mensuel individuel), est neutre autour de 7 000€ par mois, et conduit à payer plus d'impôts à partir de 8 000€ par mois. Pour reprendre les termes utilisés par les auteurs de cet ouvrage indispensable, ce dernier « plaide pour une révolution fiscale, chiffrée et opérationnelle, fondée sur trois principes : équité, progressivité réelle, démocratie ». 

Pour approfondir la question, je vous encourage à aller faire un tour sur le site internet dédié : Pour une Révolution Fiscale.

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