Joseph Mallord William Turner |
En France, le débat sur le nucléaire est confisqué par les élites, par de soi-disant « experts ». Depuis toujours, les Français n’ont pas voix au chapitre. Ils n’ont pas le droit de s’impliquer dans les choix en matière d’approvisionnement énergétique. Au diable la démocratie et la transparence. De discours infantilisants à des assertions mensongères, de la surveillance renforcée des sites à la rétention d’informations, les acteurs du nucléaire imposent leur point de vue depuis une cinquantaine d’années, faisant fi des débats passionnés dans la société civile française. Aucune remise en cause malgré des accidents marquants. Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, exemples les plus médiatiques et les plus tragiques de la dangerosité de cette source énergétique, ont à peine ébranlé les certitudes des lobbys du nucléaire.
Or, les choix énergétiques ne sont pas que technologiques ou matériels : ils sont porteurs de valeurs et sont donc éminemment politiques. C’est pourquoi la position de Jean-Luc Mélenchon de confier la question du nucléaire à l’approbation populaire est courageuse (et n’est pas seulement dictée par des divergences avec le PCF sur le sujet). Elle permettrait d’organiser un débat à l’échelle nationale sur la transition énergétique. Ce débat qui précéderait un grand référendum permettrait de mettre fin à un certain nombre d’idées reçues sur le nucléaire et d’invoquer de possibles scénarios de sortie. C’est également l’objet d’un petit bouquin publié aux Editions Utopia : « Nucléaire : pour lutter contre les idées reçues ».
La première partie de l’ouvrage vise à démonter la rhétorique des thuriféraires du nucléaire :
- Non, les risques de la technologie nucléaire ne sont pas maîtrisés : Statistiquement, compte tenu du nombre et de l’âge des réacteurs français, il est évident qu’un accident grave aura lieu sur le territoire français dans les années à venir. Cela est susceptible d’engendrer d’importants mouvements de population (notamment l’IDF ou la Région PACA) et d’empêcher de consommer une grande part des cultures céréalières produites autour des sites. Le nucléaire implique « une gestion permanente du risque permanent » (contrairement à la chute d’une éolienne par exemple). C’est pourquoi aucune compagnie d’assurance privée n’a souhaité assurer le parc nucléaire français. En cas d’accident, c’est l’Etat français qui sera contraint d’indemniser les victimes…
- Non, la question du traitement des déchets n’est toujours pas résolue : Outre le scandale du « recyclage » vu par Areva dénoncé dans le documentaire « Le Cauchemar du Nucléaire » (les déchets étaient exportés avec un statut usurpé de matériau encore exploitable avant d’être enfouis en Sibérie), il est évident qu’il n’existe aujourd’hui aucune autre solution que l’enfouissement des déchets radioactifs (1121 sites en France selon l’ANDRA). Ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes liés à la sécurité (surveillance continue des sites) et au coût (certains déchets ont une durée de vie de 480 000 ans).
- Non, le nucléaire ne garantit pas l’indépendance énergétique de la France : la France a aujourd’hui épuisé ses mines d’uranium jusqu’au dernier filon, 1/3 vient du Niger et les 2/3 restants viennent du Kazakhstan, des USA, du Canada et de l’Australie. De part sa concentration, le risque de conflits lié à l’exploitation de l’uranium est très important. En 1977, notre indépendance énergétique (toute énergie confondue) était de 23%, elle est aujourd’hui de 8,9%, sans parler de l’épuisement des ressources d’ici une cinquantaine d’années. En fait, seules les énergies renouvelables permettraient cette indépendance énergétique, d’ailleurs, pour négaWatt, son scénario permettrait d’assurer l’indépendance énergétique de la France à hauteur de 97%.
- Non, le nucléaire n’est pas une énergie propre : Certes, l’exploitation des centrales émet peu de Co2 mais il faudrait peut-être préciser que dans le nucléaire, tout ou presque est importé : le combustible de base mais aussi l’acier nécessaire à la construction des réacteurs. Tout cela n’est pas sans conséquence sur l’empreinte écologique d’une centrale, sans compter la pollution émise par l’exploitation du minerai, la construction puis le démantèlement des centrales, le traitement et l’enfouissement des déchets. Par ailleurs, 57% des prélèvements d’eau en France sert à refroidir les réacteurs nucléaires, cette eau est ensuite restituée avec quelques degrés de plus. Enfin, il faut relativiser la part de la production d’électricité dans les émissions de gaz à effet de serre…
- Non, le nucléaire n’est pas la solution énergétique la plus économique : Cela fait des années et des années que l’on nous répète que le kilowattheure nucléaire est bon marché, C’est faux ! La branche nucléaire nous ment, nous manipule, tronque les chiffres ! Chaque nouveau rapport (notamment le dernier publié par la très neutre Cour des Comptes) augmente le prix de revient d’un kilowattheure. Celui-ci est maintenu artificiellement bas (en omettant les coûts de recherche ou de démantèlement, en minimisant les coûts de stockage, en n’intégrant pas les coûts d’assurance) pour tuer la concurrence. Certes les français payent leur électricité moins chère que leurs voisins européens. Mais cela relève de la manipulation comptable car ils payent en fait deux fois, la recherche nucléaire et la construction des centrales étant très largement assurées par l’Etat français et donc par l’ensemble des contribuables. Au final, l’analyse du coût de production des différentes sources d’énergie place le nucléaire en très mauvaise position (sans même intégrer le coût de mise aux normes demandée à EDF et Areva par la peu indépendante ASN – l’ASN est effectivement financée en grande partie par EDF et Areva) et une étude montre d’ailleurs qu’il n’existe aucun exemple de réacteur nucléaire construit uniquement sur financement privé, preuve du caractère non-compétitif de la filière.
- Non, la fin du nucléaire n’augmentera pas le chômage : Aujourd’hui, la filière nucléaire emploie au maximum 100 000 personnes. Or, en Allemagne, on estime que 340 000 emplois ont été créés par le développement des énergies renouvelables. Assortie d’un plan de reconversion pour les salariés d’EDF ou Areva, la transition énergétique permettrait au contraire de favoriser des emplois pérennes, non-délocalisables et surtout beaucoup moins dangereux que les métiers de l’industrie nucléaire.
- Non, le nucléaire français n’est pas une réussite industrielle et économique : Le projet de maîtriser la fusion (ITER) est un véritable gouffre économique aux résultats de plus en plus incertains. Outre ce projet prométhéen, il est surtout inquiétant de voir que seule la France s’enfonce dans l’impasse nucléaire et ce malgré l’endettement catastrophique d’EDF. A l’échelle mondiale, la part du nucléaire dans la production d’électricité est passée de 18% dans les 90’s à 13,6% en 2009. Et le processus s’accélère depuis Fukushima tant est si bien que la part du renouvelable a dépassé celle du nucléaire. La France ne peut plus espérer vendre ses réacteurs à l’étranger bien que Sarkozy fut prêt à vendre des réacteurs à l’Iran ou à la Libye (ce qui n’est pas sans risque de perméabilité entre nucléaire civil et nucléaire militaire).
- Non, les grands groupes français qui gèrent le nucléaire ne sont pas fiables et socialement responsables : A l’étranger par exemple, les mines d’uranium à ciel ouvert exploitées par Areva au Niger sont un désastre écologique mais surtout humain, la vie des ouvriers y est directement mise en danger. En France, la privatisation d’EDF n’est pas sans conséquence sur les conditions de travail des salariés. Et c’est surtout l’important recours à des sous-traitants moins protégés que les salariés d’EDF (on compte 25 000 sous-traitants pour 50 000 agents EDF) qui est inquiétant dans le paysage nucléaire français. De plus, pour des raisons de rentabilité, la durée des périodes d’arrêt des centrales a tendance à diminuer et les cadences à augmenter. Tout cela peut avoir des conséquences dramatiques dans un secteur aussi dangereux que le nucléaire.
Pour toutes ces raisons, il est grand temps de sortir du nucléaire. C’est pourquoi de nombreux scénarios de sortie sont régulièrement proposés par des organismes indépendants. C’est la solution négaWatt (défendue par Jean-Luc Mélenchon) qui semble la plus appropriée à la situation française. Il y a aujourd’hui urgence à opter pour une transition tant les choix énergétiques relèvent du temps long : les infrastructures d'aujourd'hui pèseront longtemps sur les générations futures. Le scénario négaWatt se présente donc comme un nouveau projet de société articulé autour de la trilogie sobriété-efficacité-renouvelables misant sur la réduction des besoins énergétiques et plaçant les collectivités territoriales au cœur du dispositif.
Pour approfondir la réflexion, rien de mieux que le manifeste négaWatt et cet article en résumant la teneur.
7 commentaires:
Bonjour Antoine,
Pour ce qui est du stockage des déchets radioactifs, les solutions existent et sont mise en œuvre pour 90% d'entre eux (elles sont en cours d'étude pour les autres).
Des infos sur le sujet ici : www.dechets-radioactifs.com
Cher Guillaume,
Merci de ta contribution mais si je puis me permettre, n'hésite pas à jeter un oeil sur le documentaire "Le Cauchemar du Nucléaire" actuellement visible en streaming sur le site d'Arte+7 ! Le constat est amer sur la question des déchets radioactifs !
http://videos.arte.tv/fr/videos/dechets_le_cauchemar_du_nucleaire-6454072.html
Merci pour ce bel article très éclairant et très synthétique qui bat en brèche toutes les contre-vérités de la parole présidentielle! L'argument de l'indépendance énergétique si scandaleusement brandi ne tient plus la route!!!
Et au fait, pourquoi avoir changé de titre de blog??? Pour me rappeler que ton anniversaire arrive à grands pas?
C'est effectivement pour exorciser ma péremption qui approche mais je ne suis guère convaincu par ce nouveau titre, je changerai le 9 avril ! ;)
Et mon article dénonce également la position de François Hollande qui n'est guère courageux sur sa position nucléaire alors que c'est justement de courage dont on a besoin aujourd'hui pour contrer le fiel du Corps des Mines qui parasite le débat sur l'industrie nucléaire et réfute toutes les propositions écologiquement et économiquement responsables de nombreuses associations !
Et le 18 mars encore sur ARTE+7 http://videos.arte.tv/fr/videos/le_blogueur-6464658.html un reportage sur les déchets. ∕Ça fait flipper.
Mes amis on nous ment. Forme poli pour dire on se fout de notre gueule.
Puis allez voir sur http://reflets.info/
comment sur d'autres points ce gouvernement nous prend pour des #*§~BUUUUUUrnes dans l'affaire Amesys.
Nucléaire, non merci! :-D
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