21 janvier 2008

Pour une mort rapide et douloureuse de la finance

Niki de Saint-Phalle

Et voilà ! C'est reparti pour un tour ! Chaque jour, les médias nous assènent de titres alarmistes sur un probable krach boursier, sur la chute des cours, sur la hausse des taux d'intérêts, sur les faillites des banques américaine dues aux fameuses « subprimes », le scandale du marché de l'immobilier américain qui avait fait rage cet été ! Le bilan de la libéralisation financière est catastrophique. Il faut tout de même rappeler que, depuis qu'elle sévit, il aura été difficile de passer plus de trois ans d'affilée sans un accident majeur, presque chaque fois appelé à entrer dans les livres d'histoire économique : 1987, krach mémorable des marchés d'actions ; 1990, krach des « junk bonds » et crise des Savings and Loans ; 1994, krach obligataire américain ; 1997, première tranche de crise financière internationale (Asie) suivie en 1998 de la deuxième tranche (Russie, Brésil) ; 2001-2003, éclatement de la bulle internet... Et les ventes de panique de ces derniers jours devraient bientôt ajouter une nouvelle date-clé à cette liste noire ! En effet, il y a un fondement macro-économique à la crise, la récession américaine mais une accélération due à des facteurs «psychologiques» : les gens ont fini de nier la réalité de cette récession, et elle signe la fin de la fable du découplage entre la crise aux Etats-Unis et les marchés des pays émergents. Nous sommes dans une phase de prise de conscience de ces deux phénomènes.
Vincent Van Gogh

Et, loin de tirer des leçons de ces cycles économiques plus que chaotiques, les sommes échangées sur les marchés financiers ne cessent d'augmenter. Mais les premiers à payer le prix fort de ces chocs sont les petits actionnaires et surtout les salariés, victime de licenciements de masse, les dirigeants espérant ainsi stopper l'hémorragie, stopper la baisse de la valeur de leur action. En effet, invariablement, la dégringolade des marchés frappe les banques, donc le crédit, puis l'investissement, la croissance... et l'emploi. Même l'actuelle ministre de l'économie, Christine Lagarde, pourtant pas très douée avec les chiffres et l'économie en général, semblent comprendre le raisonnement. Chaque point de croissance perdu se solde par une destruction d'emplois du fait des pratiques de la finance, de ses crises et des heurts de la mondialisation. En effet, la chute des marchés financiers a forcément à un moment ou un autre des répercussions sur l'économie réelle. Et pendant ce temps là, une poignée d'acteurs financiers se partagent des millions de dollars de primes. Les libéraux expliquant à qui veut les écouter l'importance de la création de valeur ont bien du mal à expliquer les salaires exorbitants de ces employés qui ne créent que du vent, des bulles spéculatives prêtes à s'effondrer à la moindre difficultés.
Anselm Kiefer

Plusieurs explications font que l'on ne peut se contenter de la simple « moralisation des marchés financiers » promise par Sarkozy et dont on attend d'ailleurs les premiers décrets d'application. La déresponsabilisation de la spéculation, le laxisme de l'évaluation des risques dans la phase haussière du cycle financier, la vulnérabilité structurelle à une petite modification d'environnement, la révision en catastrophe des évaluations, la contagion latérale des doutes à d'autres compartiments du marché, la proposition de produits financiers à risque à des ménages n'ayant pas les outils intellectuels nécessaire pour se défendre, le choc sur les banques trop exposées ou encore la menace d'un effondrement global puis d'une récession généralisée par strangulation du crédit, autant de raisons qui nous poussent à craindre la répétition à l'infini de ces crises financières aux funestes conséquences. Quand tout va mal, les financiers se reposent intégralement sur les Banques Centrales. Mais, visiblement, celles-ci sont agacées de libérer des liquidités et n'ont pas d'autres solutions pour éviter le krach financier latent. Comme la mondialisation mondialise la finance, la bêtise financière n'aidant pas, tout cela se propage de manière extrêmement rapide sur toutes les places financières de la planète.
George Grosz

Aujourd'hui, personne ne souhaite proposer d'alternatives concrètes à ce type de financement entrepreunarial, personne ne souhaite réformer complètement le fonctionnement des marchés financiers et, inconsciemment (ou pas), une partie de la population, dont je fais évidemment partie, commence à espérer un krach financier digne de celui de 1929, avec des banquiers qui se jettent par les fenêtres, des traders qui se suicident collectivement, des bourgeois terrorisés pour leur portefeuille d'actions en chute libre, un taux de chômage record, des milliers de pauvres qui crèvent dans les rues...

Oui, je l'exige, il faut mettre définitivement un terme à la financiarisation de l'économie, supprimer sans compromis les marchés financiers.


8 commentaires:

Anonyme a dit…

Intéressante introspection...

La question qui me démange : où va tu chercher tout ça ?
Est ce la leçon de tes professeurs? de tes lectures ? lesquelles ? ou une réflexion nocturne ? ou quelqu'un qui te forme à cette rebellion ?

Je comprend pourquoi certains s'alrment du niveau de culture économique et des messages passés au sein de notre éducatif...

J'essaye , grâce à l'association "100 000 entrepreneurs" d'aller dialoguer dans les classes de collèges lycées et universités pour donner une image plus réaliste, et plus optimiste, de la culture d'entreprendre, et de l'entreprise...
Il y a du boulot; tu serais un bon interlocuteur...

Bon courage; ne te désespère pas . inutile de crier qu'il faut tout "supprimer"; c'est au contraire la création, l'innovation, l'inventivité, oui, l'entreprenariat, qui sauveront le monde, pas les bombes...
mais je comprend que certains t'en donnent une mauvaise image...

100 000 entrepreneurs ici :
http://blog.100000entrepreneurs.com/

et aussi mon expérience :
http://gillesmartin.blogs.com/zone_franche/2007/02/graines_dentrep.html

Anonyme a dit…

hey hey, tu devrais rappeler les Studios Art and You, il semblerait que tu aies un stage côté Mag ? Est-ce que cela t'intéresse ? c'est sur le fil des commentaires...
Il "paraitrait" que tu es insolent...

Anonyme a dit…

Quelle plus belle self-fulfilling prophecy? A 18h00, le CAC 40 clôture en baisse de 6,83%, soit sa plus forte baisse depuis le 11 septembre 2001.

ombres et lumière a dit…

Un effondrement des places boursières comme en 1929 ? pourquoi pas ? L'inconvénient c'est que dans une telle situation se sont toujours les petites gens qui trinquent. Les gros spéculateurs s'en tire toujours. Et avec des bénéfices. Pire; Rien ne rapporte plus aux spéculateurs qu'une situation de crise.
P.S
Niki de saint-Phalle j'en suis accro.

Antoine a dit…

A Zone Franche : Niveau alarmant de l'enseignement de l'économie ? Y'a-t'il une seule chose dans mon article qui ne soit pas vérifiable d'un point de vue strictement économique ?
A partir du moment où un professeur d'économie ne glorifie pas Milton Friedman, il est qualifié de marxistes par les pseudo-intellectuels qui envahissent nos plateaux télés... Donc c'est clair que c'est pas comme ça que le débat peut avancer sereinement... Et quant à mes professeurs à la Sorbonne, c'est tous des suppots du libéralisme qui doivent, à l'heure qu'il est, pleurer en pensant à leurs portefeuille d'actions qui leur permet d'arrondir leurs fins de moi au combien difficiles de profs de fac...
Et je ne suis pas contre la liberté d'entreprendre, dans cet article, je m'oppose à la finance, la financiarisation croissante de l'économie dont je n'arrive pas à trouver seul point positif et au contraire des dizaines d'inconvénients... Si les entreprises avaient des besoins de financement et que les marchés financiers n'existaient pas, les banques seraient plus indulgentes et les entreprises obtiendraient leurs financements, sans mettre en danger des milliers d'employés et de petits actionnaires... car comme l'a répété Fernand, c'est eux qui sont les premiers à patir des crises financières...

A Herwann : je m'execute dès demain matin ! ;)

A Marc-Antoine : tu ne peux pas imaginer à quel point cette nouvelle me réjouit ! ;)

Anonyme a dit…

Antoine,
je comprend ta rage et le mépris que t'inspire tes professeurs de la sorbonne l'alimente...Quel gâchis...

Dès que la politique ou la théorie flirte avec l'économie ça dégénère souvent.

Mais ce qui me chagrinne dans ton "raisonnement" c'est de commencer avec "si les marchés financiers n'existaient pas.." comme si ces marchés (qui existent depuis la nuit des temps) avaient été créés par des gros méchants gremlins qui veulent nous détruire...
C'est là où tu pars dans le mur...toute la suite ne tient pas debout..

Je serai ravi d'en parler avec toi; pas pour te convaincre,mais t'apprendre à apprendre par toi même.

Maintenant ne croie pas que je défende telle ou telle théorie politique dans cette histoire . La preuve la plus flagrante que les marchés marchent c'est justement cette crise, qui est la manifestation que le système sait s'autocorriger de lui même...Il n'a pas besoin du petit Antoine pour le "supprimer"...Tous ceux (les Etats, les idéologues) qui ont essayé de diriger à sa place ont plongé leurs citoyens dans la misère et la dictature...quelle que soit l'étiquette politique..
.Même si des corrections aidées sont parfois nécessaires (c'est le rôle des banques centrales).

J'ai pas trop envie de ça moi, la dictature, et toi ?

Antoine a dit…

Non non, les actions, les obligations et autres produits dérivés sont des inventions du capitalisme ! Ce sont des inventions polymorphes dont les effets pervers sont décuplés car beaucoup de personnes ne sont pas conscient des dangers qu'ils encourent !
Et la première bourse dans sa forme "actuelle" est la bourse d'Amsterdam créée au XVIIème siècle et où s'échangeait des bulbes de tulipes !
On ne peut pas réduire ma remise en cause de la finance à une vulgaire opposition : bourse/dictature... Avec tout le respect que je vous dois, je trouve cela un peu simpliste !

Et ce qui m'amène à invoquer la nécessité d'en finir avec la finance, c'est tout simplement un chiffre alarmant dévoilé par le FMI (qui n'a rien d'un organe gauchiste) : 9,3% ; la diminution de la part des salaires dans le PIB français ! Ce qui signifie clairement que 120 à 170 milliards d'euros ont ripé du travail au capital ! Que, par conséquent, le français moyen voit son pouvoir d'achat diminué pendant qu'une frange de nantis et de rentiers voit ses revenus financiers augmenter de manière significative ! Quelle solution apportée pour une meilleure répartition des ressources ? Ma solution est peut-être radicale mais elle est simple et je suis convaincu qu'elle se révélerait efficace !

Y a pas de compromis possible !
(oui oui, le dialogue ça me connait !)

Et mon cher CSP est sur la même longueur d'onde sur son blog : http://comite-de-salut-public.blogspot.com/2008/01/et-je-remet-le-son.html !

Anonyme a dit…

Et pour le fun, un article du canard enchainé assez sympathique :

“Tous les économistes, les experts, les analystes vous le diront : même si vous ne détenez pas le plus petit portefeuille, pas la moindre action, il est idiot de se réjouir de la dégringolade des Bourses. L’ombre terrifiante de la récession ne tardera pas à rattraper les rieurs, qui verront fondre leurs économies, dépérir leur pouvoir d’achat, disparaître, peut-être, leur emploi. Qu’on se le dise ; il n’y a vraiment pas de quoi rigoler.

Oui, mais alors pourquoi ces sourires en coin, cette secrète jubilation qui saisit, comme malgré eux, des millions d’inconscients qui n’investissent pas directement en Bourse ? C’est que tous les soirs, toute l’année, ils ont été exclus d’un CAC 4° en forme, d’un Nasdaq musculeux, d’un Nikkei survitaminé [le correcteur word connaît Nasdaq et Nikkei, mais pas survitaminé]. Un chroniqueur boursier leur a asséné avec une mine réjouie ces bonnes nouvelles qui ne leur font aucun plaisir. Comme si chaque jour un plat appétissant, au fumet délicieux, leur passait sous le nez. Eh bien, cette fois, il est infect, le plat. Il pue, et ceux qui s’en sont gavés vont devoir l’avaler. Petite revanche mesquine, mais tellement humaine…

Après le journal télévisé, quand a disparu le visage ravagé par la douleur du journaliste entouré d’ordinateurs aux écrans blafards, le mauvais citoyen sans portefeuille songe aux angoisses des nantis, qui ne vont pas dormir. Et il sombre, béat, dans un sommeil réparateur.

Le lendemain, au réveil, la douce litanie des lamentations boursières le fait songer au sort de quelques milliardaires dont il a vu, sur son maudit écran, le yatch, l’avion, les invités avec leurs compagnes tout de Dior vêtues. Combien a-t-il perdu dans la nuit ? Qu’est-ce qu’il va déguster aujourd’hui ? Ce sont d’ignobles qui mettent de bonne humeur le non-boursicoteur.

Il paraît que la lutte des classes est une vieille lune, une chimère disparue corps et biens. N’empêche : elle donne encore quelques moments de bonheur.”