La Galerie Orel Art présente pendant près de deux mois, du 1er février au 22 mars, des oeuvres du peintre László Fehér - ambassadeur de la culture hongroise en 2007 - dans le cadre d'une exposition baptisée « The Story of Judit » où la dite Judit n'est autre que la fille du peintre, victime de troubles psychologiques. Dans le même intervalle, la galerie expose une dizaine de ses pastels au sous-sol.
Les toiles trouvent leur quintessence dans l'histoire personnelle du peintre qui semble meurtri, blessé dans sa chair par la souffrance de sa fille. Elles sont un témoignage flagrant de la haine et de l'amour qu'il porte simultanément à cette dernière La violence qui s'en dégage a quelque chose de pernicieux, de glauque, d'insoutenable pour le visiteur. Même dans les toiles les plus paisibles, il parvient à suggérer le trouble pathologique, l'angoisse de la solitude, la peur de la mort.
D'événements anodins en représentations tragiques, László Fehér nous entraîne dans une spirale autodestructrice où sa fille est à la fois le bourreau et la victime. Il transforme ainsi le spectateur en voyeur, voyeur d'une adolescente en péril et d'un père dépassé, impuissant, incapable de faire face à la situation dramatique dans laquelle il se trouve. La pitié et la compassion laissent alors place à l'incompréhension. Effectivement, même si chacun lutte contre la maladie avec ses propres moyens, comment un père peut-il peindre le tourment de sa fille de manière aussi brute, voire brutale ?
Privilégiant les grands formats, les fonds noirs et les lourds coups de pinceaux, il cherche à exprimer, à libérer, à exorciser sa propre culpabilité et la détresse de sa fille. La vision de certaines toiles comme Judit with Pills, Judit with her hands keeping forward ou encore Judit with arms hold up en devient presque insupportable. Mêlant comprimés et traces de tentatives de suicide, il parvient, de manière presque ostentatoire, à distiller le mal-être parmi les curieux, comme s'il voulait leur faire ressentir sa propre peine, sa propre affliction face à l'épreuve qu'il doit affronter.
L'artiste hongrois de 54 ans se revendique du photoréalisme. Ses oeuvres sont faites pour choquer, pour marquer les esprits. La puissance du trait est indéniable mais il lui manque sans aucun doute une certaine poésie de l'autodestruction. L'émotion initialement recherchée s'efface au profit d'une consternation désabusée.
Quelques marches plus bas, une deuxième exposition attend les plus aventureux. Changement de technique, changement d'atmosphère. La violence et le malaise laisse place à une certaine mélancolie, une douceur, une paix retrouvée, relayée par les pastels. Des oeuvres qui paraissent presque naïves - enfantines - face à la dureté, à l'insensibilité des toiles exposées juste au-dessus. Pourtant, cela n'arrive pas à gommer l'effet particulièrement perturbant des peintures. Jusqu'où un peintre peut-il aller pour faire parler de lui ? N'est-ce pas une certaine forme d'exhibitionnisme malsain ? Le témoignage d'un renoncement paternel latent ?
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