Dans l'art, dans la création artistique, cinématographique, littéraire, théâtrale, j'aime les démarches jusqu'au-boutistes, j'aime les processus créatifs radicaux, j'aime les formes artistiques extrêmes. J'abhorre le consensualisme du fond. Je méprise la consensualité de la forme. J'ai besoin d'être secoué, d'être bouleversé, d'être poussé à réagir. J'ai besoin que le message diffusé (politique ou non) soit radical. J'ai besoin que la forme, la mise en scène, le style soit sans concession. Les artistes doivent être intransigeants avec eux-mêmes et avec leurs prédécesseurs.
Or, aujourd'hui, fréquemment, il faut plaire au plus grand monde. Levy, Musso, Gavalda écrivent les mêmes mièvreries sur des centaines de pages au rythme effréné d'un bouquin par an. Nos écrans sont envahis de comédies sympathiques (et encore...) formatées pour passer en première partie de soirée sur TF1. Les galeries sont polluées par des artistes se contentant de réaliser des toiles assorties aux canapés du salon des ménages les plus aisées. Les metteurs en scène n'osent plus prendre de risque. La facilité, l'opportunisme sont partout. Il n'y a plus de place pour la surprise. Même la polémique est contrôlée, conceptualisée pour créer du buzz, créer l'événement. Le marketing, la communication, la vente sont devenus bien plus importants que la création elle-même. Il faut sortir du rang pour faire parler de soi, mais s'empresser d'y retourner pour vendre sa production. Il faut plaire à un public de 7 à 77 ans, surtout ne pas faire de vagues pour ne pas effrayer les annonceurs.Heureusement, parfois, des artistes sortent du lot et parviennent à satisfaire ma fascination pour la violence et les penchants radicaux de l'Homme. Récemment, c'est le cas notamment de Steve Mc Queen, le réalisateur de Hunger, son premier film. Je crois que c'est l'un des films les plus éprouvants qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie. Une telle horreur, une telle abjection dépasse l'entendement. Je crois avoir rarement autant détourné mon regard de l'écran depuis la première fois que j'ai regardé Salo ou les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini, le maitre incontesté du radicalisme, aussi bien politique qu'artistique. Je crois donc avoir rarement été autant saisi par les tripes que pendant la projection de ce magistral Hunger.
Ce film est un petit bijou, une perle, une véritable claque administré à tous les spectateurs. Il laisse un goût amer longtemps après la séance et des images traumatisantes tournent encore en boucle dans ma tête. Dans Au nom du père, film hollywoodien avec Daniel Day-Lewis, on pouvait avoir un aperçu du climat tendu entre britanniques et irlandais, des pratiques britanniques pour extorquer les informations ou encore des conditions de rétention dramatiques. Mais on est loin du degré de réalisme et d'émotion atteint par le film Hunger, notamment parce que le film de Jim Sheridan se focalise essentiellement sur l'innocence de Daniel Day-Lewis et de son entourage et non sur les revendications de l'IRA, relégué au second rang.
Ici, il n'est pas question d'innocence, pas question de renoncer à la cause qu'on défend. En ce sens, Hunger est avant tout un film politique, un film sur un combat politique. Un film douloureux sur l'univers carcéral de cette époque mais qui est empreint en permanence des événements extérieurs. La radio, quelques scènes prises ci et là (la peur dans les yeux d'une femme regardant son mari démarré sa voiture, l'exécution d'un gardien de prison alors qu'il rend visite à sa mère en maison de retraite...) et surtout un débat passionnant et passionné entre un prêtre et Bobby Sands, un des militants les plus célèbres de l'IRA sont là pour contextualiser ce qui se passe en Irlande du Nord.
Mais là où le film brille, c'est par le réalisme des tortures, des humiliations subies par les prisonniers alors qu'ils réclament le statut de prisonniers politiques. C'est une plongée dans le coeur d'une prison qui ne peut laisser personne indifférent tant l'horreur des cellules - dont les murs sont recouverts d'excréments - ou des scènes de parloirs - l'émotion que l'on peut lire sur les visages des parents - nous touche de part en part.
D'un point de vue technique, c'est brillant. Chaque plan est esthétiquement riche. Chaque cadrage pourrait être une photo - superbes passages que ceux où le gardien de prison fume sa clope sous la neige. Chaque séquence rend compte du déclin progressif des protagonistes, un déclin qui conduit à l'inévitable demi-heure finale, l'une des plus horribles qui m'ait été donné de voir dans ma vie. En filmant avec un réalisme cru cette grève de la faim qui tourne au cauchemar, le réalisateur pousse les spectateurs dans leurs derniers retranchements. Difficile de voir cet acteur se métamorphoser devant nos yeux, mourir littéralement devant nos yeux. Son corps amaigri, ses plaies béantes, son visage meurtrie, ses yeux éteints... Il meurt en martyr pour donner l'espoir au peuple irlandais. Il aura fallut neuf morts consécutives à une grève de la faim pour que le gouvernement britannique accepte de reconsidérer les demandes des irlandais.
Lorsque la lumière s'est rallumée vendredi dans la petite salle du MK2 Beaubourg, je vacillais. Je venais de ressentir quelque chose de tellement énorme que je n'en suis pas ressorti indemne. Ce n'est plus une fiction, ce n'est plus une biographie, c'est une expérience. Une expérience PUISSANTE et INTENSE que je conseille à tout le monde. Une putain de claque offerte par Steve Mac Queen qui offre un putain de premier film dont la Caméra d'Or est amplement méritée. Un prix d'interprétation pour Michael Fassbender n'aurait pas été usurpé non plus tant sa prestation est sidérante.Mais au-delà de ce constat, je crois bien que dans la vie quotidienne, j'ai de plus en plus envie de rencontrer des personnes radicales, des hommes comme Bobby Sands, des gens qui méprisent la pensée unique et le formatage imposés par une société basée sur la représentation, sur l'apparence car c'est en allant jusqu'au bout de nos convictions que les choses changeront.
Or, aujourd'hui, fréquemment, il faut plaire au plus grand monde. Levy, Musso, Gavalda écrivent les mêmes mièvreries sur des centaines de pages au rythme effréné d'un bouquin par an. Nos écrans sont envahis de comédies sympathiques (et encore...) formatées pour passer en première partie de soirée sur TF1. Les galeries sont polluées par des artistes se contentant de réaliser des toiles assorties aux canapés du salon des ménages les plus aisées. Les metteurs en scène n'osent plus prendre de risque. La facilité, l'opportunisme sont partout. Il n'y a plus de place pour la surprise. Même la polémique est contrôlée, conceptualisée pour créer du buzz, créer l'événement. Le marketing, la communication, la vente sont devenus bien plus importants que la création elle-même. Il faut sortir du rang pour faire parler de soi, mais s'empresser d'y retourner pour vendre sa production. Il faut plaire à un public de 7 à 77 ans, surtout ne pas faire de vagues pour ne pas effrayer les annonceurs.Heureusement, parfois, des artistes sortent du lot et parviennent à satisfaire ma fascination pour la violence et les penchants radicaux de l'Homme. Récemment, c'est le cas notamment de Steve Mc Queen, le réalisateur de Hunger, son premier film. Je crois que c'est l'un des films les plus éprouvants qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie. Une telle horreur, une telle abjection dépasse l'entendement. Je crois avoir rarement autant détourné mon regard de l'écran depuis la première fois que j'ai regardé Salo ou les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini, le maitre incontesté du radicalisme, aussi bien politique qu'artistique. Je crois donc avoir rarement été autant saisi par les tripes que pendant la projection de ce magistral Hunger.
Ce film est un petit bijou, une perle, une véritable claque administré à tous les spectateurs. Il laisse un goût amer longtemps après la séance et des images traumatisantes tournent encore en boucle dans ma tête. Dans Au nom du père, film hollywoodien avec Daniel Day-Lewis, on pouvait avoir un aperçu du climat tendu entre britanniques et irlandais, des pratiques britanniques pour extorquer les informations ou encore des conditions de rétention dramatiques. Mais on est loin du degré de réalisme et d'émotion atteint par le film Hunger, notamment parce que le film de Jim Sheridan se focalise essentiellement sur l'innocence de Daniel Day-Lewis et de son entourage et non sur les revendications de l'IRA, relégué au second rang.
Ici, il n'est pas question d'innocence, pas question de renoncer à la cause qu'on défend. En ce sens, Hunger est avant tout un film politique, un film sur un combat politique. Un film douloureux sur l'univers carcéral de cette époque mais qui est empreint en permanence des événements extérieurs. La radio, quelques scènes prises ci et là (la peur dans les yeux d'une femme regardant son mari démarré sa voiture, l'exécution d'un gardien de prison alors qu'il rend visite à sa mère en maison de retraite...) et surtout un débat passionnant et passionné entre un prêtre et Bobby Sands, un des militants les plus célèbres de l'IRA sont là pour contextualiser ce qui se passe en Irlande du Nord.
Mais là où le film brille, c'est par le réalisme des tortures, des humiliations subies par les prisonniers alors qu'ils réclament le statut de prisonniers politiques. C'est une plongée dans le coeur d'une prison qui ne peut laisser personne indifférent tant l'horreur des cellules - dont les murs sont recouverts d'excréments - ou des scènes de parloirs - l'émotion que l'on peut lire sur les visages des parents - nous touche de part en part.
D'un point de vue technique, c'est brillant. Chaque plan est esthétiquement riche. Chaque cadrage pourrait être une photo - superbes passages que ceux où le gardien de prison fume sa clope sous la neige. Chaque séquence rend compte du déclin progressif des protagonistes, un déclin qui conduit à l'inévitable demi-heure finale, l'une des plus horribles qui m'ait été donné de voir dans ma vie. En filmant avec un réalisme cru cette grève de la faim qui tourne au cauchemar, le réalisateur pousse les spectateurs dans leurs derniers retranchements. Difficile de voir cet acteur se métamorphoser devant nos yeux, mourir littéralement devant nos yeux. Son corps amaigri, ses plaies béantes, son visage meurtrie, ses yeux éteints... Il meurt en martyr pour donner l'espoir au peuple irlandais. Il aura fallut neuf morts consécutives à une grève de la faim pour que le gouvernement britannique accepte de reconsidérer les demandes des irlandais.
Lorsque la lumière s'est rallumée vendredi dans la petite salle du MK2 Beaubourg, je vacillais. Je venais de ressentir quelque chose de tellement énorme que je n'en suis pas ressorti indemne. Ce n'est plus une fiction, ce n'est plus une biographie, c'est une expérience. Une expérience PUISSANTE et INTENSE que je conseille à tout le monde. Une putain de claque offerte par Steve Mac Queen qui offre un putain de premier film dont la Caméra d'Or est amplement méritée. Un prix d'interprétation pour Michael Fassbender n'aurait pas été usurpé non plus tant sa prestation est sidérante.Mais au-delà de ce constat, je crois bien que dans la vie quotidienne, j'ai de plus en plus envie de rencontrer des personnes radicales, des hommes comme Bobby Sands, des gens qui méprisent la pensée unique et le formatage imposés par une société basée sur la représentation, sur l'apparence car c'est en allant jusqu'au bout de nos convictions que les choses changeront.
6 commentaires:
Ah! enfin un film qui a des chances de passer devant Two Lovers pour le Just4kiss d'or 2008.
Et bien tout cela donne envie d'aller voir Hunger! Moi aussi en art, comme disait Harnoncourt, je veux être secoué, torturé, dévasté!!!
"allez au bout des convictions" je te le souhaite de tout coeur...reste à trouver des convictions qui ont quelque chose au bout, sinon Plouf ! J'espère que tu sauras suivre les bonnes, celles qui te mèneront loin...et feront de toi un acteur du changement; on en manque cruellement , partout, en ce moment...tu as raison.
pas grand chose à redire à ta critique. j'ai adoré également ce film. d'autant plus que je suis passionné par l'histoire du conflit irlande-royaume uni qui a atteint ses pires phases avec Tatcher...
C'est énorme! Je reviens ce soir de la petite salle du MK2 Beaubourg moi aussi et je suis scotché! J'en ai pris plein la gueule! C'est incroyable!!! Cela faisait très longtemps que je n'avais pas vu des images aussi puissantes!!! C'est clairement THE film de l'année. Qui enfonce à l'aise tous les autres.
rien à dire sur la critique du film que je n'ai pas vu et que je n'irai pas voir. En revanche, beaucoup à dire sur ta dernière phrase... C'est justement en allant jusqu'au bout de leurs convictions que certains hommes en arrivent à en torturer d'autres, à en gazer d'autres, à en bombarder d'autres, à lancer des avions dans des tours, etc. Pour moi le jusqu'auboutisme est juste un synonyme d'extremisme et c'est donc tout le contraire de la réflexion, du dialogue et donc de chances de progrès pour l'humanité.
En art, bien sûr, c'est différent mais ta conclusion dépassait ce cadre.
Le jour où le fort écoutera le faible, peut-être que le dialogue sera utile et utilisé... mais vu que ce n'est pas le cas, que cela fait des années que des gens s'expriment sans qu'on les entendent, sans qu'on les écoutent, alors il faut songer à d'autres moyens d'action, de la grève de la faim comme dans ce film à d'autres modes peut-être plus radicaux mais terriblement efficaces... N'est-ce pas François Fillon qui a dit que les manifestations étaient ringardes ?
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