07 avril 2009

Jacques Tati, deux temps, trois mouvements

J'étais aujourd'hui invité à la Cinémathèque pour découvrir en exclusivité leur nouvelle exposition : Jacques Tati, deux temps, trois mouvements, tribut au réalisateur français de la « modernité ». Dans un espace méconnaissable comme d'habitude, le visiteur peut se perdre dans des détails des films de Jacques Tati. Il endosse ainsi trois rôles, celui de visiteur, de spectateur et enfin, celui d'acteur. Chaque film à son espace, chaque film est illustré par quelques objets présentés dans le champ de la caméra de Tati ou bien même hors champ comme un moulin à café assez bizarroïde ayant servi à faire les bruitages dans Playtime. Cette exposition rend donc hommage à la part d'innovation dans son cinéma, son lien étroit avec le design, l'art et l'architecture de son époque. La maquette de la villa Arpel sortie de Mon Oncle - reconstruite grandeur nature au 104 à partir de jeudi – ou encore la reconstitution d'une pièce entière de Playtime sont là pour illustrées l'aspect résolument moderne du cinéma de Jacques Tati, trop souvent réduit à un pitre dans la droite lignée de Keaton ou Chaplin. Moi-même, ne gardant qu'un souvenir très vague de ses films vus alors que j'étais enfant, étais loin d'imaginer la richesse visuelle de chacun des plans des films de Monsieur Hulot ou même de ces courts-métrages salués par la critique. C'est pourquoi l'exposition a au moins un mérite, celui de m'avoir donné envie de redécouvrir le cinéma de Jacques Tati.

Pourtant, c'est peut-être d'un manque de contextualisation dont souffre l'exposition. Les artistes qui l'ont influencés sont éclipsés, ceux qu'il a influencés sont absents (ou du moins présentés qu'en marge de l'exposition). Sans parvenir à intégrer Jacques Tati, trublion de l'après-guerre, dans la grande histoire du cinéma, les commissaires de l'exposition (Macha Makeieff et Stéphane Goudet) basent leur exposition sur l'anecdote, comme un immense clin d'oeil à des séquences majeures tout en oubliant le reste. Pourtant à les écouter durant la visite guidée absolument passionnante, tout se tient, tout s'illumine, tout devient clair. Lorsque chaque objet du quotidien de Tati ou bien chaque oeuvre d'art contemporaine est commenté, intégré dans un mouvement plus global – les fameux trois mouvements dont fait référence le titre de l'exposition - l'exposition prend une autre dimension, à la fois témoignage d'une époque et témoignage de la vénération que l'on peut encore porter au réalisateur de Playtime, son film culte. Reste à savoir si les autres visiteurs de l'exposition pourront saisir toute la portée des choix scénographiques de Macha Makeieff et ne seront pas juste perdu dans un dédale coloré, un dédale animé, un dédale dadaïste.

Une chose est sûre, j'ai vraiment apprécié cette visite très intéressante (en compagnie d'autres bloggeurs et d'une partie du personnel de la cinémathèque, dont Serge Toubiana !) ainsi que l'invitation à déjeuner dans le tout nouveau restaurant de la Cinémathèque qui n'ouvrira que demain, en même temps que l'ouverture officielle de l'exposition, pour mon anniversaire !