30 octobre 2008

Pollock et le chamanisme

J'aime Pollock. J'aime Jackson Pollock et d'une manière générale, j'aime l'expressionnisme abstrait américain. Je dois même reconnaître que c'est un mouvement artistique que je maitrise plutôt bien, aussi bien en terme de considérations esthétiques (action paintings, drippings, colorfield paintings) qu'en terme de volontés politiques (basculement du rapport de force entre Paris et New-York) et d'influences (l'art amérindiens mais aussi le surréalisme et le cubisme). C'est pourquoi j'attendais avec impatience l'ouverture de l'exposition Pollock et le chamanisme dont je suis l'élaboration depuis deux ans. J'étais curieux de voir cette « relecture » de l'oeuvre de Pollock promise par la Pinacothèque de Paris. J'étais avide de savoir comment les commissaires de l'exposition parviendrait à exploiter le rapport entre le chamanisme et l'art subtil de Jackson Pollock.

Après avoir déambulé dans l'exposition, approfondi certains rapprochements, m'être intéressé à l'ensemble des oeuvres et travaux rassemblés, c'est de la déception que j'éprouve. D'une part, parce qu'il n'y a rien de très novateur dans la manière de présenter l'oeuvre de Pollock et d'autre part parce qu'il n'y a aucune oeuvre majeure du peintre réunie dans l'exposition, si ce n'est peut-être une ou deux toiles qui valent vraiment le détour. Car, à mon goût, la véritable star de l'exposition n'est autre qu'André Masson dont des toiles magnifiques viennent ponctuées l'exposition et démontrées l'importance de la démarche surréaliste – et principalement de l'oeuvre picturale de Masson ou Miro – sur les toiles de Pollock. L'influence « chamanique » est vaguement illustrée par des objets du quotidien amérindiens (totems, outils, masques...) censés démontrer un lien fort avec le culte des ancêtres. Or, l'exposition est clairement dépouillée de toute trace sacrée (à l'exception de la pathétique vidéo tournant en boucle dans un fade couloir improvisé). Est-ce l'aspect assurément mercantile du lieu qui influe sur le sujet des expositions ou est-ce tout simplement que les commissaires sont complètement passés à côté de la relecture promise ? Et ce n'est ni la scénographie brouillonne, ni l'absence de grand format, ni le blog minable mis en ligne par la pinacothèque, ni l'horreur de la cave immonde dans laquelle est organisée l'exposition qui permettent de relever le niveau d'une exposition mineure de cette rentrée.

Enfin, j'aimerais conclure en précisant que l'art de Pollock doit aussi beaucoup à la psychologie et en particulier la psychologie jungienne et que les commissaires ne sont pas parvenus à illustrer cet apport finalement davantage négligé jusqu'à présent que l'influence de l'art amérindien. Effectivement, cette influence ne fait l'objet d'aucune étude sérieuse contrairement à l'influence de l'art primitif, influence qui n'est d'ailleurs pas si novatrice que ça au vue de l'influence des artistes primitifs africains sur le cubisme 50 ans plus tôt et dont l'expressionnisme abstrait est une sorte de réponse américaine comme en témoigne les premières oeuvres « figuratives » de Pollock clairement inspirées de Picasso, Braque ou Gris.

Heureusement que j'ai pu m'introduire gratuitement – et sans le faire exprès – dans l'exposition consacrée à Georges Rouault et qui s'avère nettement plus intéressante.